Olivier Gourmet : (Rires) Je ne lui ai rien demandé. Mais quelques semaines avant un tournage, il y a un moment où elle ne peut plus s'empêcher de me faire remarquer que je ne suis plus là, que je suis un autre. J'aime faire des gestes simples, quotidiens, comme faire la vaisselle comme la ferait mon personnage par exemple. Je me déplace, je parle, j'agis comme lui. Et je m'amuse à essayer de ressentir les sentiments qui lui appartiennent. Je m'amuse à devenir un autre.
O.G. : Isabelle est quelqu’un qui a une vraie sensibilité d’actrice. Elle est attentive à ce qui se passe sur le plateau. Elle prend plaisir à lire le scénario, à entrer dans l’univers du réalisateur et se mettre à son service. C’est quelqu’un de très dynamique et elle est très créative, ça apporte beaucoup au film. Vous savez, un plateau où tout le monde se met d’accord pour raconter la même histoire, en sachant où l’on va et ce qu’on est en train de faire, ça procure un plaisir immense.
C. : Après avoir reçu le Prix d'interprétation, vous avez aussi joué dans Congorama. Avez-vous accepté le rôle pour prêter votre notoriété à une petite production belgo-québecoise ?
O.G : Non, ce n’était pas pour ça. C’était simplement parce que le scénario me plaisait et que j’aime l’univers de Philippe Falardeau. J’y trouvais un plaisir d’acteur sur la forme et sur le fond du film. Si en même temps ça a pu aider à promouvoir le film, tant mieux, mais je ne ferais jamais un film uniquement pour le porter avec ma petite renommée.
O.G. : Non évidemment. Il y avait déjà Isabelle Huppert, donc il n’y avait pas besoin de moi pour porter le film. Le film m’a plu parce qu’il est très singulier, avec un vrai sujet et une vraie forme cinématographique. Ce n’est pas quelque chose de gratuit ou racoleur, il n’a pas été écrit sous l’influence d’un autre réalisateur. Home est très frais et spontané, un peu comme le dessin d’un enfant : il ne ressemble à rien, uniquement à ce que l’enfant ressent au moment où il a dessiné.
O.G. : Oui, elle m’a donné les courts métrages, le documentaire et la fiction télé qu’elle avait déjà réalisés, mais je n’ai pas voulu les regarder. Il m’est quelquefois arrivé de lire des scénarios que je trouvais vraiment bien, mais que j'ai refusé de tourner après avoir vu les films précédents du réalisateur. Je ne veux plus réfléchir de la sorte. Je ne veux plus avoir d’idée préconçue avant de rencontrer le réalisateur, je veux me fonder sur ma sensibilité. C’est ridicule de refuser un projet pour cette raison-là, parce que rater son film ne veut pas dire qu’on est un mauvais réalisateur. Un film, c'est le résultat de plusieurs facteurs, le scénario, le réalisateur et les comédiens.
O.G. : Je n'ai rien fait de spécial. Quand elle dit qu’elle cherche un acteur américain, c’est au niveau de la façon de jouer. Les acteurs formés dans l'esprit de l'Actor’s Studio sont moins portés sur les mots, moins cérébraux et plus physiques. Ursula cherchait quelqu’un qui était proche du jeu américain, et cela lui est apparu comme une évidence qu'Olivier Gourmet est le plus américain des acteurs français ! (rires) Il est vrai que le personnage n’est pas le même que ce que je fais d’habitude, il est plus rock n’roll, plus sensuel, plus sexy.
O.G. : Vous savez, moi je pense que c’est l’inverse. Que les Français sont plus théâtraux que les Belges : ils ont une culture des mots, ils les font passer avant au détriment du physique. Il est vrai qu’on peut encore évoluer dans la formation des comédiens belges, mais il est normal qu’elle soit plus axée sur le théâtre vu le nombre de films belges qui se font sur un an ! Quand on entre au conservatoire, on y va généralement dans l’idée de faire du théâtre, penser tout de suite au cinéma, c’est plutôt utopique. Quand j’y suis entré, je ne pensais jamais faire un film, et encore moins une carrière au cinéma. De toute manière, tout dépend de la personne, chacun a sa personnalité et a été éduqué de manière différente, et c’est ça qui définit sa façon de jouer. Moi, par exemple, je suis né à la campagne, mon père était fermier et ma mère cuisinière. On n’allait jamais au cinéma, jamais au théâtre, on ne m’obligeait pas non plus à lire des livres. L’expression des sentiments était plus physique que verbale, mon père ne me disait pas « je t’aime », mais je le comprenais à sa façon de me regarder, de me donner la main, etc. Au début, j’ai eu du mal avec les mots, c’était le physique avant tout. J’ai appris par la suite à utiliser les mots.
O.G. : J’essaye d’empêcher le formatage qui se pratique dans beaucoup d’endroits, où l’on en arrive à ce que tous les acteurs disent le même texte, avec la même intonation, le même timbre de voix et les mêmes attitudes physiques. J’essaye de trouver la singularité de chacun, tout en leur apprenant la technique. Quand on veut ressembler à son idéal d’acteur, on oublie de jouer instinctivement, avec ses tripes.
C. : D’autres projets au cinéma ?
O.G. : Trop ! Il y en a 8 ou 9 je crois, mais je ne les ferai pas tous. Je ferai en fonction du premier qui aura un financement et la certitude de se faire. Le prochain avance assez vite, ça devrait être un film de Christophe Blanc, un polar singulier qui devrait se faire avec François Cluzet et peut-être aussi Bouli Lanners. Ensuite, il y en a plusieurs très drôles, qui m’amuseraient beaucoup, mais je ne peux pas encore dire lesquels j’aurai la possibilité de faire. Il y aura peut-être aussi un film historique d’Abdellatif Kechiche, un autre de Jean-Pierre Denis, et d’autres encore, mais ils ne me reviennent pas à l’esprit !