Didier Stiers : Mon Cousin Jacques a ceci de particulier qu’on vous a d’abord refusé l’aide à la production, exact ?
Xavier Diskeuve : Oui, on a donc tourné sur mes « fonds » avec une équipe de bénévoles. Après le montage, sur remise de la maquette, on a obtenu l’aide à la finition qui a financé la coûteuse transposition du film sur pellicule. C’était indispensable si on voulait exister en festival ! Voilà pour la petite histoire : je fais des comédies, je ne viens pas du sérail ou des écoles et j’ai un style qui, au début, ne passait pas du tout. Après, mes films ont quand même fait des performances et ils ont été contents de pouvoir mettre mon palmarès dans leur bilan (rires). La Commission n'a jamais été spécialement tendre avec moi, mais j'ai quand même réussi à faire un long-métrage avec cet univers : ne nous plaignons pas trop ! Il faut aussi apprendre à se débrouiller !
D.S. : Quelles performances, spécifiquement pour ce court-métrage-ci ?
X.D. : Il a obtenu une dizaine de prix notamment en Belgique et en France, a été présenté dans 72 festivals. C'est une belle carrière pour un court, disons, de niveau international. C’est comme un joueur de tennis qui ne gagnerait pas de grands chelems, mais des bons tournois. C'est aussi le court-métrage que la RTBF a le plus diffusé, je crois. Il convient bien à tous les publics, et comme il fait une petite demi-heure, il a servi de bouche-trou je sais pas combien de fois sur la Deux et sur la Trois. Plein de gens l’ont vu comme ça, parce qu’ils ne dormaient pas. Et puis, être acheté en France – il est l’un des rares courts belges acquis par l’émission « Histoires Courtes » sur France 2 –, c’est magnifique ! Le prix d’achat est cinq fois plus important qu’en Belgique ! Ça m’a permis de récupérer une bonne partie de mon investissement.
D.S. : Comment décririez-vous l’univers de vos films ?
X.D. : C'est un peu de la bd franco-belge, du Franquin, mais aussi un peu du Abel et Gordon, du Tati, du Veber… Voilà, pour les modèles. Ici, on est dans une thématique fort bon enfant mais c'est plus caustique qu'il n'y paraît. Il y a toujours une deuxième lecture, et puis aussi un souci un peu graphique. À l'arrivée, ce ne sont pas des films qui en jettent scénographiquement et qui créent des sensations immédiates, mais je dirais qu’ils bonifient avec le temps. Mon Cousin Jacques a un petit côté vintage qui le fait bien vieillir.
D.S. : Après Jacques a vu, votre premier long-métrage, avez-vous eu envie de revenir au court ?
X.D. : Pour le moment, je n’ai rien mis en route de ce côté-là, je suis un peu en quête, mais je me demande si je n’en referais pas un. Pour retrouver l'énergie des débuts, la liberté, la joie de travailler sur un chantier qui ne dure pas trop longtemps. Là, j'ai produit et coécrit un one man show (Tronches de Vie, avec Vincent Pagé), et j'ai retrouvé ce genre de petite structure, le plaisir d'aller au devant du public, et donc un peu celui du court-métrage. Pour un long, il y a de quoi hésiter en Belgique : je trouve très courageux ceux qui s’y remettent tout de suite !
Didier Stiers