Dans Domicile fixe, qui dissèque avec ironie les relations entre un sans-abris venu s’installer dans un quartier bourgeois et ses habitants, ce sont les bourgeois qui se trouvent être les plus caricaturaux. Se reposant sur des dialogues fins et cinglants, et les performances fantasques de ses acteurs tirés à quatre épingles (Jean-Philippe Lejeune et François Maniquet…), le réalisateur nous livre une autopsie des incohérences et de la déconnexion de ce monde de privilèges. Leur désir de toujours plus, sans bornes, s’autoattribuant la propriété d’un être-humain : “c’est le nôtre de SDF”. Tout en refusant le moindre don financier ou de nourriture, car sinon “ce serait l’engrenage”, et en se justifiant de leur inaction par la figure du hobo libertaire : “quand on choisit d’être SDF c’est pour mener une vie plus courte certes, mais aventureuse, hors des sentiers battus”.
En comparaison, le film se fait plus subtil dans sa représentation du “sans domicile fixe avec une rue fixe”. Interprété par Vincent Pagé, il sort du décor, occupe toutes les attentions, pour acquérir une vraie place. Il s’humanise, se dotant d’un prénom et de valeurs comme la générosité, l’amitié et le respect.
Enfin, l'œuvre de Xavier Diskeuve se fait philosophique sans pour autant quitter son moule comique. Ainsi, pour accentuer le ridicule d’un système de classes inégalitaire, bourgeois et sans-abri sont renvoyés dos à dos dans leur vision de l’autre. “Le bourgeois est juste bien” dans la bouche du SDF, quand “le SDF est parfait” aux yeux du bourgeois. Rien ne les différencie outre leur confort de vie. Une manière intelligente de nous rappeler que notre situation sociale n’a rien à voir avec la méritocratie, et ne dépend bien souvent que du regard arbitraire et du jugement injuste d’autrui.
“L’enfer c’est les autres”.