Pendant un an, Manu Bonmariage va s’attacher aux pas de ce couple peu ordinaire. Le père Jean d’abord: un physique de Père Noël, une stature, une voix de stentor, des opinions qui claquent. Il s’est engagé dans la vie religieuse pour « faire du social à une époque où le métier d’assistant social n’existait pas et où la prêtrise était la voie royale pour aller vers les gens». Sa foi n’a pas faibli aujourd’hui après presque un demi-siècle de sacerdoce et ce, malgré son amour pour Micheline. Il considère toujours que sa mission est « d’aider les gens à relier au divin les événements de leur vie quotidienne ». Rejeté par son Eglise qui lui retire sa qualité de prêtre, il souffre, moins de son exclusion que de ne plus pouvoir accomplir sa mission. Alors il continuera, malgré tout. Même s’il lui faut pour cela se trouver une autre Eglise. Et s’il lui faut transformer sa buanderie en chapelle, il le fera. Le tout soutenu par l’amour indéfectible de Micheline. Elle aussi est attachante. Plus discrète, on sent qu’elle a, derrière elle, une vie qui ne l’a pas toujours épargnée, un mari, des enfants. Et aujourd’hui, il y a Jean près de qui elle trouve une nouvelle sérénité, pour qui elle est prête à affronter tous les obstacles.
Fidèle à son style, Manu Bonmariage suit au plus près ses personnages, sans juger, sans défendre, sans soutenir aucune thèse. Il cherche à nous faire voir la vie par leurs propres yeux. Mais ses images parlent pour lui. On devine à travers elles toute la tendresse qu’il a pour le couple et pour ce personnage de prêtre, qu’il nimbe, tout au long du film, d’une lumière douce et dorée, presque christique. Manu Bonmariage a le coup d’œil parlant.
Lorsqu’il interviewe Mgr Léonard qui a qualifié de "lamentable" la volonté de Jean d'épouser Micheline, il laisse le prélat s’expliquer sans intervenir. Mais un gros plan de la main de l’évêque, parée de l’anneau pontifical, qui chasse d’un geste sec et dédaigneux une feuille morte qui venait d’atterrir sur la table, et tout est dit. Et pour qui sait aller les dénicher, le film abonde en petits détails croustillants de cette sorte. Un vrai régal. Et lorsque son personnage s’engage dans la voie d’un mysticisme un peu illuminé, le regard du documentariste nous pousse à chercher à comprendre, plutôt qu’à juger.
Ainsi soit-il est un film intelligent, fruit d’une réflexion et d’un travail rigoureux, respectueux de son sujet comme de son public, qu’il traite en adulte. C’est une tranche de vie un peu naïve, un peu malicieuse, profondément sincère et baignée de lumière. Une pièce qui révèle, une fois encore, la maturité du travail de Manu Bonmariage qui, à 66 ans, reste l’une des meilleures lames du cinéma documentaire belge.