Pourquoi faire ce film ? « Parce que j'aime écouter les gens », répond Luc Pien. Construit sur une étonnante spirale d'entretiens, Whose peace it will be ? a des airs de kaléidoscope. Essentiellement construit à partir d'entretiens très découpés, les interviews ne se développent jamais dans la durée mais s'enchaînent et se cousent les uns aux autres, rebondissant d'un intervenant à l'autre pour coudre entre eux les propos et travailler la matière narrative par thématique. Peu à peu, ces multiples paroles, comme autant de points de vus sur le conflit irakien, tissent l'histoire d'une guerre dont les racines sont bien lointaines. Privilégiant la parole de ceux qu'il interviewe, Luc Pien filme très peu d'images de l'Irak. Quelques séquences d'animation viennent donner à son long métrage un peu de légèreté. Quelques cartes illustrent sommairement certains propos. De la guerre en elle-même, une seule image de Bagdad bombardée. Mais d'autres moments comme des vues sur la ville, les gens, un extrait du film de l'un des artistes interviewés permettent de saisir un peu de la réalité de ce pays, résolument éloignée de toutes les images dont les télévisions nous ont jusqu'à présent abreuvées. Un insert d'un très gros plan sur du sable scande la progression du film, symbolisant son ambition : faire tourner le sablier du temps. Car Whose peace it will be ? remonte le cours de l'histoire jusqu'aux origines de la Mésopotamie, redonne des perspectives à une culture aujourd'hui réduite à une religion et à des conflits très violents et tente d’apercevoir, à travers les intervenants qu'il écoute, les conditions et les possibilités d’un futur.
Par instant, le film, qui ferait presque les louanges de Saddam Hussein, crispe un peu. Son manque de nuances et le peu de mise en perspective des propos qu'il recueille semblent presque naïf. Mais c'est sa position assumée qui lui permet de creuser assez rapidement son chemin dans les méandres des guerres du Moyen-Orient, effleurant de nombreuses thématiques et détricotant beaucoup des enjeux de ce conflit. En remontant le cours du temps, de l'histoire de la Mésopotamie aux sources du colonialisme européen jusqu'à la guerre néocolonialiste des Américains, il parvient à enceindre et à résumer les principales problématiques de ces guerres géostratégiques et économiques. Alors, si son parti-pris cinématographique est plutôt pauvre et qu'il entraîne le film dans ce kaléidoscope de points de vus éclairés et éclairants sans toujours bien approfondir son propos, le documentaire de Luc Pien réussit là où d'autres ont échoués sur ce sujet. En replaçant dans son contexte l'histoire d'un pays et en mettant en perspective les conflits ravageurs du Moyen-Orient, il remet les pendules à l'heure et permet, grâce à cette remontée dans le temps, d'entrevoir l'Histoire à grande échelle, et d'imaginer un meilleur futur de l'Irak et du Moyen-Orient.