Comédie noire virant, dans son troisième acte, à l’absurde le plus total (Wettelen se situe dans un pays imaginaire où tout le monde parle un charabia incompréhensible), le premier film de Dimitri Verhulst - auteur notamment des livres La Merditude des choses et Un Ange, tous deux adaptés à l’écran, respectivement par Felix Van Groeningen et Koen Mortier (ce dernier étant crédité ici comme producteur) - trouve miraculeusement l’équilibre (pourtant si fragile) entre drame familial, comédie burlesque (tantôt bon enfant, tantôt franchement scatologique) et surréalisme à la belge. Un drôle de mélange pour une farce souvent hilarante et parfois très bizarre, qui crée de l’empathie envers une dizaine de protagonistes qui, en cours de route, s’avéreront moins caricaturaux ou ridicules qu’on ne le pensait au début. Parmi eux, un mari terrassé par la tristesse (le toujours excellent Peter Van den Begin), trois enfants adultes paumés, suspectant - à raison - que leur père n’est pas leur père, une sœur handicapée dont le fauteuil roulant va créer des complications sur la route, un conducteur de corbillard philosophe, une « funeral crasher » en quête d’amour, qui prend les enterrements pour Tinder, ainsi qu’un flirt de jeunesse lourdingue de la défunte.
Dès la scène d’ouverture, où le corbillard emmenant la dépouille passe au car wash, en passant par une cérémonie religieuse aussi gênante que mémorable (le curé évoque dans son discours les soucis des intolérants au lactose, une amie d’enfance fait part au public de détails bien trop intimes concernant la défunte), le ton est donné ! Et durant les nombreuses étapes de ce pèlerinage forcé (nuit blanche dans une abbaye, invitation à une fête de mariage qui culmine dans une scène de dancing déchaînée, visite d’un cirque à l’abandon, adoption d’un chameau…), des liens se tissent, d’autres se renforcent, des révélations sont mises au grand jour et le cercueil en voit de toutes les couleurs !
Si l’on peut regretter quelques détours dans une vulgarité assumée, ce périple digne de la Communauté de l’Anneau en chemin pour Mordor, émaillé de gags, se termine dans une émotion inattendue avec une scène dansée d’une grande poésie. Dimitri Verhulst signe un film résolument original et personnel, particulièrement prometteur pour un premier essai.