Entre l’hypocrisie de son patron (« Pour le bien de tous, il vaut mieux que tu travailles de chez toi ! ») et les théories fumeuses d’un psy (« Inconsciemment, vous cherchez l’attention des gens qui vous agressent »), Vincent n’est guère avancé. À son désarroi succède une peur de tous les instants et il est bientôt obligé pour survivre, de raser les murs, de fuir les regards, de vivre coupé du monde extérieur, entièrement isolé. Le pire moment, donc, pour tomber amoureux de Margaux (Vimala Pons), une serveuse rencontrée lors de sa cavale et qui, elle, a l’habitude d’être malmenée…
Ce qui démarre comme une farce burlesque à la Edgar Wright (on pense à Shaun of the Dead dans la manière dont le récit se met en route, avec un quidam ordinaire autour duquel la folie se propage de manière invisible) prend vite une tournure plus dramatique, beaucoup plus violente aussi (les coups font mal!), quelque part entre le film-concept cher à Larry Cohen et le film d’infectés à la George A. Romero. La mise en scène abandonne peu à peu la comédie pour un réalisme oppressant. Très adroit pour transcrire la montée de l’angoisse dans un pays qui court vers une conclusion inéluctable, Stéphan Castang (dont c’est le premier long) questionne, avec un argument de science-fiction irrésistible, notre monde actuel, où l’on constate un peu partout une montée des incivilités et des violences gratuites (que ce soit à l’école, dans la rue ou chez des quidams qui se replient sur eux-mêmes). Il signe une métaphore inquiétante sur l’avenir du genre humain et semble nous dire que c’est un miracle que nous ne soyons pas déjà tous en train de nous massacrer quotidiennement dans les embouteillages, dans le métro ou au bureau...
Avec ses terrifiantes visions finales de folie collective, Vincent doit mourir rejoint la nouvelle vague récente de films fantastiques francophones singuliers et brillants (Grave, La Nuée, Méandre, Titane, Ogre, La Montagne, La Tour, Acide, Le Règne animal…) qui semblent embrasser le genre sans honte ni mépris, mais avec une belle ambition, tant narrative que visuelle. Voilà un virus que l’on aimerait voir se propager!