Le film nous montre par une approche en cercles concentriques successifs, la quotidienneté d’une famille qui sait son habitat et ses traditions ancestrales condamnés. Cette famille vit au rythme des saisons, sur un tempo qui se modèle sur un environnement agraire loin de la frénésie de celui qui règne dans les villes gigantesques qui s’érigent le long de la mer de Chine. Les anciens parlent d’un climat qui s’est modifié, depuis la montée progressive des eaux, au point que les quatre saisons ressemblent au printemps. Les plus jeunes se préoccupent de l’argent et au moyen de s’en procurer. En filant à Shanghai, par exemple, bien qu’ils sachent que les gens n’y sont guère chaleureux, ne communiquent que par GSM et que, surtout, les filles sont sans pitié et ne s’intéressent qu’aux garçons ayant de l’argent.
Les réalisateurs ont réussi à saisir le rythme d’un vécu aux moments creux de l’attente du changement, la délitescence d’une vie paysanne à laquelle le rendement est étranger, un mode de vie où la cohésion familiale rythme les jours et les nuits (naissance, discussion autour du thé, jeux de cartes). Les anciens transmettent une sagesse ancestrale où nature et culture fusionnent encore. L’individualisme et la performance n’ont pas encore cours dans ce monde rural qui est en train de disparaître. D’où, en contrepoint, les superbes paysages qui entourent la maison de la famille Guo avant qu’elle ne soit engloutie dans quelques temps par la montée des eaux. Ce film au ton mélancolique prend date des derniers moments d’une Chine millénaire qui bientôt appartiendra à l’encre noire des livres d’histoire. Ce qui rend ce temps capté d’autant plus précieux. Le film s’ouvre sur ce poème de Tang Wei :
Du Haut de la terrasse, pour se dire adieu
Fleuve et Plaine perdus dans le crépuscule
Sous le couchant reviennent les oiseaux
L’homme, lui, cherche, toujours plus loin.