Un beau programme humaniste donc, manquant toutefois de profondeur idéologique et politique mais qu'importe puisque la volonté du métrage est de rappeler les unions oubliées et de voir les questionnements affleurer. Il soulève, par exemple, maladroitement mais avec réel intérêt, la question du sexisme face au sectarisme (au-delà du conflit). Mais aussi le quotidien procédurier où chacun défend son bout de gras sans jamais se remettre en cause et montre comment le pouvoir et les institutions israéliennes s'immiscent dans l'art palestinien, synonyme de liberté. Mais les combattants de la liberté des uns sont les terroristes des autres. Et si le film a la volonté de montrer les torts de chacun, ce sont les Israéliens qui jouent de leur pouvoir pour avoir main-mise sur le projet qui fut un jour commun et qui est aujourd'hui éclaté jusque dans sa plus vaine violence.
L'ensemble résonne comme un manifeste vulgarisant volontairement le conflit où chaque personnage représente un élément à entreprendre pour saisir les finesses de la problématique. Comme dans toute bonne comédie, c'est son rythme qui fait sa force, sa drôlerie. Qu'il soit sec et nerveux ou distendu, il est construit à travers l'action elle-même. On peut donc y voir un film communiquant une lourde thématique à travers les actions de ses protagonistes sans jamais y apposer, a posteriori, de réflexion lourdingue. Sur ce point, Tel Aviv On Fire est un modèle rappelant, à travers sa construction typique, la grande comédie italienne engagée et à travers son approche classique, la légèreté française faite de quiproquos et de malentendus où les plus belles vilenies humaines se mélangent aux pires bontés. Et les rapports hiérarchiques du cinéma se juxtaposant à ceux du monde politique rendent l'allégorie d'autant plus claire. Impossible de ne pas y voir une déclaration d'amour corrosif au cinéma, tant le réalisateur fait preuve d'une croyance absolue en la force comique de son matériau mais aussi dans sa narration comme un projet de dénonciation, de réconciliation, voire de cohésion.
Ce parti-pris semble d'autant plus étonnant que le film est nourri de financements européens (les Belges d'Artémis, Français de TS et Luxembourgeois de Samsa) mais aussi israéliens. Investissement symptomatique d'un pays qui - s'il s'enfonce dans les marasmes de ses torts -, de plus en plus, juge pertinemment le rapport de pouvoir qu'impose son gouvernement. Et la coproduction européenne - formellement, le film semble calibré pour le public européen - ne l'empêchant aucunement de tacler à la gorge l'accord d'Oslo, à travers quelques répliques fuselées. L'Europe lance de grands débats, mais n'agit que très peu. À l'instar de la star française (Lubna Azabal) qui vient s'encanailler sans maîtriser les tenants et aboutissants. Elle complique ainsi la situation pour la manipuler à son profit, pour élargir sa notoriété, pour briller sur des terres oubliées et maladroitement, égotiquement, menace d'avantage un équilibre déjà précaire. Voilà un voile à peine posé sur l'implication distante, mièvre et égocentrique de l'Europe dans ce conflit.
Tissant jusqu'au bout les liens possibles entre son film et les codes du soap-opera, Sameh Zaobi joue d'une corde Shakespearienne dans sa manière de traiter l'amour comme une impossibilité politique. Dans Tel Aviv On Fire, la série, un personnage dit : "La réalité doit changer pour que ce mariage ait lieu."
Roméo et Juliette s'invitent dans un univers qui ne les attendait pas et offrent au film le poison nécessaire à une fin amère cherchant, dans l'humour, à s'extirper de la gravité de la situation. Mais le pouvoir israélien, lorsqu'il n'est plus en position de manipuler, prend plaisir à dévorer ceux qui se défont de son entrave et à gonfler davantage. Alors, tous cherchent à faire taire les amours ennemies pour surtout éviter d'avoir à discuter.