Taylan Barman : Mourad et moi, nous avons fait Au-delà de Gibraltar il y a 6 ou 7 ans. C’est le temps qu'il m'a fallu pour écrire 9mm. Mourad a voulu se lancer dans des projets qui lui tenaient à cœur, et moi j'ai écrit mon film. L’écriture m’a pris pas mal d’années, elle s’est faite avec Kenan Gorgun, qui est journaliste et romancier.
T.B. : Oui, même dans mes réalisations précédentes, il y a toujours eu cette envie de montrer les personnes fragilisées de la société. Dans Kamel, c’était un jeune toxicomane qui s’enfonçait de plus en plus; dans Au-delà de Gibraltar, un Maghrébin qui rencontrait une fille belge et se retrouvait tiraillé entre tradition et modernité, dans une société où il ne trouvait pas sa place. Et dans 9mm, j’ai voulu parler du mal de vivre.
T.B. : Oui, les conditions de travail sont difficiles dans notre société, et le travail de policier ne fait pas exception, tant au niveau des horaires qu’au niveau des interventions. Il faut savoir qu’il y a un taux de suicide important chez les policiers. Le père est un ancien pompier qui perd son boulot à cause d’un accident de travail. Il se retrouve inactif, mis au ban d'une société pour laquelle il a donné sa santé. Alors commence pour lui une descente aux enfers; dépression, alcool.
T.B. : Oui, bien entendu, il a encore du mordant, mais jusqu'à un certain point.
T.B. : Pas du tout. Je n’étais pas quelqu'un de très révolté, je le suis plus maintenant ! J’ai un regard plus critique, et c'est ce que j'ai voulu exprimer dans 9mm.
T.B. : La majorité du film est tournée en plans-séquences. Il doit y avoir au total une soixantaine de plans. C’était un défi. Je trouvais qu'il était important de tourner en plan-séquence pour souligner le fait qu'on suit sans arrêt chaque personnage. Je ne voulais pas rater une seconde dans leurs mouvements et dans l’action. J’ai voulu tourner en steadycam, donner de la fluidité à l'image, éviter la camera à l’épaule comme dans du documentaire. C’est une œuvre de fiction avant tout. C'est pour cela que je voulais que le directeur photo soit steadycameur. Je suis content de mon choix, Renaat Lambeets a fait l'image que je voulais.Le tournage n'a pas été très facile, on passait sans cesse de l’intérieur à l’extérieur, et il fallait respecter la chronologie puisque l’histoire ne se passe que sur une journée. Il a donc fallu faire attention à la lumière, on était très limité dans le temps de tournage sur une journée. On faisait en général 1 ou 2 plans par jour.
T.B. : Au départ, je voulais raconter un fait-divers dans sa banalité. J’ai ajouté une certaine forme au film pour rendre la banalité accessible. On suit à tour de rôle chaque personnage en essayant de comprendre ce qui s’est passé lors de cette journée, puisque la journée commence par un coup de feu qu’on entend derrière une porte. On veut comprendre ce qui s’est passé à travers cette porte.
T.B. : J’ai mis près d’un an avant de trouver les 7 comédiens, dont les 3 principaux. Anne Coessens m’est apparue comme une évidence. Je l’avais vue dans un court métrage d’Olivier Masset-Depasse et elle m’intéressait car elle n’est pas très connue internationalement. Mettre quelqu’un de trop connu aurait décrédibilisé le fait authentique et le personnage. Elle a tout de suite accepté, c’est très agréable de travailler avec elle, car elle est généreuse. Pour l’ado, Morgan Marinne a cette opacité dans le visage que je recherchais. Serge Riaboukine m’a été proposé par la production française, et je l’ai choisi pour son physique, je voulais montrer quelqu’un de bien portant et de solide, mais qui est en fait très vulnérable.
T.B. : Oui, à l'étalonnage, on a voulu créer cette atmosphère irréelle, pour bien se détacher du documentaire et renforcer le côté fictionnel du film. Avec la volonté de mettre mal à l’aise le spectateur, dans une ambiance que je qualifierais de dérangeante plutôt que glauque. Par contre, les extérieurs sont lumineux, la forêt a ses couleurs chaleureuses d'automne, elle donne cette respiration face à l'oppression de la ville.