Considérée par ses amis comme distante, voire un peu prétentieuse, Sarah refuse de participer au film indépendant et fauché qu’ils préparent, préférant, des étoiles plein les yeux, enchaîner les auditions pour des productions plus cossues. Son rêve devient enfin réalité lorsqu’après avoir assisté à une de ses colères dans les toilettes suite à une audition ratée, une sinistre directrice de casting lui demande de refaire la même chose devant la caméra et la retient pour le rôle principal d’un film d’horreur produit par Astraeus, une boîte de production autrefois très réputée, qui tente de faire son retour. Mais jusqu’où Sarah sera-t-elle capable d’aller pour obtenir un rôle?
Le mystérieux producteur du film, un vieillard libidineux, la met au pied du mur: son corps contre la gloire. Désespérée, dans un moment de faiblesse, Sarah oublie ses principes et se donne au producteur. Sans s’en apercevoir, la jeune femme vient d’entrer dans une secte satanique et de faire un pacte avec le Diable. Celle qui s’imaginait déjà signer de mirobolants contrats se voit proposer deux choix: la mort immédiate ou l’acceptation totale de sa « transformation ».
Pour survivre, elle doit maintenant sacrifier sa beauté et déchaîner ses instincts les plus vils pour mieux renaître, tel un papillon sortant de sa chrysalide. Son corps va subir une métamorphose douloureuse et le dernier acte, faire la part belle à des effets de maquillage aussi répugnants que réussis.
Réalisé trois ans avant l’affaire Weinstein et les remous causés par le mouvement #metoo, le film du duo Kolsch / Widmyer (qui signera ensuite le remake de Simetierre), au croisement entre les univers de Cronenberg (La Mouche), Lynch (Mulholland Drive) et Polanski (Répulsion), détourne habilement les clichés inhérents au sujet (la directrice de casting sadique, l’actrice rivale se faisant passer pour une amie merveilleuse), car, en fin de compte, aucun personnage secondaire n’est responsable du sort de Sarah, même ceux qui l’ont utilisée ou se sont moqués d’elle. C’est sa vanité, rien d’autre, qui provoque sa descente aux enfers. Persuadée (par orgueil, mais aussi par instinct de survie) qu’elle vaut mieux que la bande de « ratés » qui lui sert d’amis, Sarah se jette à corps perdu dans un comportement douteux et suicidaire. Mais, loin de tout moralisme, le film explore une vérité plus complexe: la grande crainte de la jeune femme, bien entendu, est sa propre médiocrité.
Au-delà de la satire mordante sur l’enfer hollywoodien et l’exploitation des actrices, Starry Eyes fait l’inquiétant constat d’une génération qui passe son temps à se regarder dans le miroir, mais aussi des rapports de faux-semblants entre des jeunes gens tous plus superficiels, égocentriques et facilement corrompus les uns que les autres. L’avènement des « influenceurs » mettant en scène leur médiocrité sans vergogne ni pudeur pour des monceaux d’argent n’est déjà plus très loin. Entre drame poignant et horreur sanglante, cet exercice de style perturbant et constamment surprenant, tourné en 18 jours avec des bouts de ficelle, réussit l’exploit, notamment grâce à une performance d’actrice jusqu’au-boutiste, d’être l’exact opposé de tout ce qu’il dénonce.
(Sortie dvd en complément du magazine Mad Movies).