Sur des images d’archives à Kinshasa, images analogiques, bleutées et granuleuses, comme surgies d’un temps totalement révolu, quand des grues enlèvent les statuts de l’ère coloniale pour les embarquer au Musée (« où se trouve leur place ») tandis que les hommes déambulent librement dans Kinshasa, la poétesse Marie Paule Mugeni, dans un texte qu’elle lit en voix off, se projette à Bruxelles, dans le Matongé d’ici, au début d’une journée hypothétique où la statue de Leopold II débarrasserait enfin le plancher.
Ces images d’archives rebondissent sur d’autres images, dont le grain numérique cette fois les rapproche de notre temps, qui filment l’immense foule rassemblée devant le Palais de Justice lors de la manifestation à Bruxelles en juin 2020 contre les violences policières et en solidarité avec le mouvement Black Lives Matter. Deux époques, deux pays se mettent ainsi à dialoguer avec leur histoire commune, que les mots tissent ensemble. Et dans ce montage parallèle, ce qui est advenu là-bas ne peut qu’être « rabattu », en quelque sorte, sur ce qui va advenir ici.
C’est que « le vent est toujours du bon côté » dit-elle dans son très beau texte en off. Plus qu’une prière, Speech of a Melting Statue est un très bel acte de foi en un demain qui ne peut qu’arriver, la libération venant depuis là-bas, du côté des opprimés, libérés et libérateurs.