À la naissance de sa fille, Rahne est déjà terriblement démuni pour assurer la subsistance de sa famille. Il a deux garçons, Sasha est une fille, elle sera donc sacrifiée. La petite ne doit la vie qu’à la détermination de Mouna, sa mère, qui fuit la maison. Elle n’y revient, avec l’enfant, qu’une fois le désir de mort du père digéré. Huit ans plus tard, il n’y a plus d’eau. Rahne se résout à quitter son village. Avec sa femme, ses deux garçons, sa fille, quelques chèvres et une chamelle, il traverse une contrée inhospitalière où règnent en maître des bandes organisées de soudards qui dépouillent les voyageurs, pour affronter ensuite des ennemis encore plus impitoyables, le soleil et la soif. Malgré les épreuves et les pertes, il faut aller toujours plus avant dans un désert aveuglant, splendide et impitoyable. Continuer jusqu’au bout de ses forces avec, chevillé au corps, l’espoir d’arriver quelque part, à tout prix, pour survivre.
Au long de ce voyage, Rahne découvre enfin sa fille, à laquelle il accordait bien moins de valeur qu’à ses deux garçons. Il l'aurait volontiers sacrifiée pour les sauver. Sasha se révèle un trésor de courage, de force tranquille, de ténacité et d’amour qui finira par remplir le cœur de Rahne. L'errance de ces réfugiés climatiques est au centre du film. Derrière la froide lucidité avec laquelle Marion Hänsel filme cette épopée, on sent toute la rage de la femme en révolte contre l’égoïsme et la bêtise, le désir de nous mettre face à nos responsabilités devant une réalité qu’il est de plus en plus urgent de rencontrer. La manière dont la cinéaste nous y confronte, avec son regard aiguisé et une absence totale de pathos, nous la rend plus effroyable encore. Si Marion Hänsel avait voulu en rester là, il lui aurait suffi d'un documentaire sur le sort des populations vivant sur des territoires en voie de désertification. Mais elle préfère nous raconter une histoire, forte et désespérée qui est, en même temps, un magnifique hymne à la vie. Avec le sens de l’image qu’on lui connaît, aidée comme de coutume par la splendide photo de Walther Vanden Ende, elle nous emmène avec la petite troupe à travers ces contrées rocailleuses, sablonneuses, brûlées de soleil, au rythme lent de Chamelle, le dromadaire, dernier espoir de survie pour Rahne et sa famille. Comme à son habitude, la réalisatrice épure son film de tout sentimentalisme inutile, se retranchant derrière une extrême pudeur de sentiments. C’est cette retenue qui confère au film toute sa force et son impact. Le spectateur accompagne quasi physiquement ces exilés de la soif.
Après avoir vu Si le vent soulève les sables, le spectateur ne pourra plus ouvrir un robinet sans revoir le petit visage de Sasha, ravagé par la soif et levé vers le ciel dans lequel passe un avion de ligne. Force du cinéma, impact des images que Marion sait très bien exploiter. Cette face dramatique est heureusement compensée par l’histoire solaire, chaleureuse, pétrie d’humanité et d’humour de la marche d’un père vers sa fille. Condamnée à exercer toute sa séduction pour exister dans le regard d’un père pour qui une fille a à peine plus de valeur que les chèvres qu’il convoie, la petite Sasha, sans avoir l’air d’y toucher, va s’imposer dans le cœur paternel avec sa vitalité, sa joie de vivre, son charme, son humour, son courage désespéré. Elle est l’espoir pour les Africaines, d’un rapport homme/femme plus égalitaire et plus respectueux. C’est cet espoir et cette humanité, alliés au charme d'une lumineuse fillette, qui rendent supportable un récit sans concession.