Quelles sont les origines du projet?
Le film est adapté d’un livre de l’auteur flamand Tom Lanoye, que j’ai dévoré en un week-end. Le texte décrivait toute une série de situations que j’avais connues. Deux mois après je rencontrais Tom Lanoye au Festival de Gand à l’occasion de l’avant-première de Je suis à toi pour lui demander qu’il me fasse confiance, ce qu’il a fait. Bizarrement, c’est mon film le moins autobiographique, mes deux autres films puisaient plus dans mon vécu, et pourtant le plus personnel, ce qui est un drôle de sentiment.
Qu’est-ce qui réside au coeur du film selon vous?
C’est l’histoire d’un personnage en plein deuil qui se donne une deuxième chance, un sursaut de vie. Peut-on survivre à la perte de l’amour de sa vie, et si on y survit, qu’est-ce qu’on fait avec la vie qu’on a en mains?
Vous l’abordez pourtant sous l’angle de la comédie?
C’est une comédie certes, mais une comédie dramatique. Tendre et dramatique. La comédie, c’est un long parcours pour moi, quelque chose de presque difficile à assumer. C’est plus difficile à faire, mais ça fait du bien au gens. Essayer de garder la complexité du propos et de construire de vrais personnages, tout en faisant rire, c’était le défi.
On a eu quelques retours étranges: c’est pas assez sérieux, pas assez « festival ». Il y a une sorte d’académisme du film de festival, comme il y a un académisme de la grosse comédie française un peu vulgaire, et j’espère sincèrement qu’il y a moyen de faire quelque chose au milieu, qui trouve un public. Un film ouvert, qui fasse rire, émeuve, raconte des choses intéressantes avec une forme intéressante. Mais peut-être que j’essaie de faire des synthèses un peu complexes, de réconcilier des choses irréconciliables, comme mes personnages, c’est sans doute mon utopie!
Faire un film sur un faux couple, c’est aussi un bon moyen de parler du couple?
Oui, l’imposture permet d’éclairer le réel, une fois qu’on y est, on se met en scène de manière fantasmée, on parle de ce dont on a vraiment envie, de nos frustrations et de nos espoirs. Troisièmes Noces parle de couple, comme mes deux premiers films. Il y a une continuité thématique. J’ai l’impression d’avoir terminé un cycle avec ces trois films. C’est comme si je clôturais une trilogie sur le couple et la coexistence que je n’avais jamais commencée. Comment exister, être soi auprès de quelqu’un d’autre.
Il y a aussi un message en filigrane sur l’immigration…
Ma volonté était de créer de vrais personnages et pas des migrants caricaturaux en souffrance parce qu’ils n’ont pas de papiers. Je voulais dépasser la statistique, et créer des personnages de migrants qui ne soient pas forcément traités comme des migrants. Qui ont le droit d’être dans un vaudeville, d’avoir de l’humour, de la ruse, des moments de désespoir pas toujours liés à leurs problèmes de papiers. Au cinéma, dès qu’il y a un personnage de migrant, même avec les meilleures intentions du monde, il devient LA figure du migrant. Mais tous ces migrants ont des prénoms, des dates de naissance, des spécificités qui devraient les extraire de la caricature. Ce sont avant tout des êtres de chair et de sang, qui ont droit à de vraies fictions, qui dépassent le stigmate de leur absence de papiers.