À l’instar d’un certain pan du cinéma fantastique asiatique, où les fantômes sont présents dans le quotidien des vivants (au Japon, en Chine, en Indonésie…), Rano (le mot malgache pour « eau ») illustre l’histoire de deux jeunes personnes brisées, perdues, qui, pour la première fois, lors de leurs longues déambulations, ouvrent leurs sens au monde de l’invisible. Macha et Franco entendent des voix, celles des esprits marins. Des mots que, dans un premier temps, ils ne comprennent pas, mais qui, étrangement, les réconfortent. Quand Macha entend le mot « zazarano », qui désigne un enfant « qui n’a connu que l’eau » - autrement dit son bébé mort-né -, un sourire naît sur son visage…
Car contrairement à la grande majorité des films de « fantômes », ici, les esprits sont bienveillants : ils guident et conseillent les visiteurs de l’île. À l’écran, ce rapport au surnaturel est illustré par de longs plans séquences de promenades, notamment nocturnes, des deux protagonistes qui explorent l’île. Ils marchent sans but, se perdent, se cherchent, puis se trouvent, mais pas forcément de la manière dont ils l’avaient prévu. Si le film est parti d’une enquête documentaire, le canevas qui a servi de scénario aux cinéastes a évolué au fil du tournage pour aller vers une grande épure, vers une histoire purement sensorielle dont la simplicité n’a d’égale que la douceur. Le dispositif filmique, l’aspect contemplatif et l’austérité du récit font irrémédiablement penser au cinéma de Gus Van Sant : comme dans Gerry ou Last Days, les personnages marchent vers une destination inconnue, souvent filmés de dos, et vont, sans vraiment s’en rendre compte, changer de rapport au sacré, accepter l’idée d’une absence et ainsi enfin pouvoir faire leur deuil.