Le spectateur pénètre dans cet univers par la situation la plus interpellante du film :le rôle de la police, du procureur du Roi, d'un médecin. La personne violente, angoisséeest enfermée pour observation pendant quelques heures ou quelques jours. Ce passage constitue une sorte de sas. Deux chambres d'isolement d'où nous parviennent parfois des pleurs ou des cris… Le personnel de l'unité de crise ne communique qu'à travers la porte entrebâillée.
Cette période achevée, commence avec l'équipe des soignants une série d'entretiens plutôt que d'interrogatoires dont la bienveillance et la clairvoyance sont remarquables. Parfois après une première audition, la personne pourra rentrer chez elle, pour éventuellement revenir ensuite. D'autre fois, elle sera hospitalisée en psychiatrie.
Quelques cas illustrent les rapports étroits avec l'évolution d'une société où les urgences psychiatriques ne cessent d'augmenter...
Un homme est amené par la police. Ce matin-là, il a frappé sa mère. Il vit avec ses parents qui sont très âgés. Il a perdu son travail de menuisier. Il ne fréquente plus la mosquée. Il entend parfois des voix qui sont agressives et le perturbent. Ses parents refusent qu'il revienne habiter chez eux.
Un autre homme de 34 ans est également amené par la police, à la demande de sa mère. Il a plusieurs fois essayé de se suicider. Son discours est déstructuré, délirant parfois. Il semble sous l'emprise de l'alcool et de la cocaïne. Un premier entretien avec un psychologue a eu lieu à la police. Il était menotté. Lui aussi avait perdu son travail, il était séparé de sa compagne et vivait dans le deuil de la perte d'un enfant.
Une jeune femme a tenté de se suicider. Enfant déjà, son père la battait et sa mère se taisait. À l'école, elle se faisait harceler, mais elle ne pouvait rien dire à la maison. Elle se sent abandonnée par sa famille et ses amis. Elle se sent « abîmée ».
On voit bien la complexité des situations traitées par l'équipe des soignants. Il ne s'agit pas seulement de folie, mais de souffrance surtout.
Un homme d'une cinquantaine d'années en témoigne : « Je ne suis pas d'accord que l'on traite de fous des gens qui souffrent. C'est par peur qu'ils ne soient pas comme les autres... »
Il y a enfin le cas dramatique de cette femme qui, après avoir séjourné dans plusieurs maisons d'accueil, se retrouve à la rue. « La réalité, constate-t-elle, c'est qu'il n'y a plus personne qui veut de moi ».
Malgré qu'elle souffre d'une maladie génétique qui a des répercussions graves au niveau psychiatrique, sa mauvaise réputation lui ferme toutes les portes. Les infirmières lui proposent faute de mieux de dormir cette nuit dans leur bureau...
Le film de Paule Muxel et Bertrand de Sollier est magnifique d'humanité. Il éclaire le combat quotidien de cette équipe de soignants de l'unité d'urgences psychiatriques pour vaincre l'indifférence d'une société envers les plus fragilisés, les faibles, les exclus.