Tout le monde connaît ces engrenages fatals, où l’on essaie d’appuyer sur la pédale pour éviter d’être happés par la spirale du malentendu. Rien à faire : lorsque le mécanisme s’enclenche, on a beau essayer de se rattraper, on ne fait que s’enfoncer davantage dans le malentendu. « Tu prends quoi poussin ? » demande l’homme. « La marmite piquante sans les champignons ? » suggère sa compagne. Et, lui d’enchaîner : « Moi je la prend avec des champignons ». « Dommage : on aurait pu faire poulet-poulet ». « On n’est pas obligé de faire super-original »... Le casse-tête chinois à la sauce aigre-douce commence.
Le grand art de Damien Chemin, qui ne fait que confirmer l’engouement que nous avions pour Comptine et Rendez-vous, est de jouer sur le sous texte. Il laisse le pulsionnel (immaîtrisable) se manifester en sourdine. Le couple essaye de le maîtriser. La chaîne action-réaction a un non-dit qui intéresse le réalisateur.
L’important pour lui n’est pas seulement ce qui se dit mais ce qui se censure inconsciemment. Ce n’est pas neuf par rapport à Rendez-vous mais dans Poulet-Poulet, Damien Chemin condense son propos dans une sorte de huis clos avec une mise en scène appropriée au sujet, faite d’une alternance de champs contre-champs. On se garde de vous préciser la chute. Le réalisateur aime les contre-pieds.
Signalons l’excellente direction d’acteurs, le ton juste de ceux-ci (Marilyn Canto, Antoine Chappey et Huang Zhang) et le remarquable travail sur la couleur restituant l’atmosphère ocre-rouge des restaurants asiatiques. On est loin de la couleur « blanche » réaliste de beaucoup des films utilisant le support numérique Il est vrai que l’utilisation de la HD Viper Thomson facilite ce travail sur la couleur.