Séraphine est au contact de la nature, elle est habitée par la voix des anges, elle a une voix solitaire aussi. En fait, elle a une vie solitaire quand elle crée et une vie publique quand elle travaille : elle rencontre des gens, nettoie le parquet, traverse la ville en portant du linge sur une brouette. Mais elle parle à peine. Pour camper son personnage, elle marque son pas, elle a une brouette qui grince, elle se manifeste bruyamment. Elle a des godillots avec un talon de fer que j’ai demandé qu’on installe et une brouette avec une roue qui grince, pour qu'on l'entende à la prise de son directe. Il n'y a quasiment pas de sons additionnels sur la bande son, tous les sons sont pris directement, comme le bruit des serrures et des loquets qui se ferment. Il se fait qu’il n’existe pratiquement pas de documents photographiques de la vraie Séraphine Louis qui vécut au début du XXème siècle, à l’exception d’une photo prise par la sœur de Wilhelm Uhde, le mécène collectionneur d’art et ils ont rejoué la scène ou Anne-Marie Uhde prend la photographie de Séraphine Louis dans son atelier. Celle-ci prend une pause en regardant vers le ciel, Anne-Marie lui dit de regarder l’objectif et elle lui dit "non, je regarde mes anges, c’est eux qui me parlent, c’est eux qui me font faire cette peinture, donc je les regarde quand on me prend en photo". C’est une scène très très belle.
Pour ce film, j’ai eu la chance de travailler avec des comédiens qui ont fait un vrai travail, qui sont sincères, authentiques et ce projet a réuni un ensemble de gens qui ont pu mettre leur vérité et leur authenticité dans le film et je pense que s'il est réussi, c’est grâce à cet esprit qui nous a tous habités. Cette volonté que nous avons tous eue de respecter la vie de ce personnage et de mettre toute la sincérité dans notre démarche artistique. Ne pas essayer de mettre en valeur une lumière, un son, un personnage principal, un rôle secondaire ou le décor... Non, tout a été fait pour tendre vers le même but. Le décor a été fait pour le son, pour l’image, pour que le comédien le vive de l’intérieur. Tout a été fait pour que le piano soit un vrai piano, la peinture, le tableau soit un vrai tableau, etc.
Ce film est une réelle concentration d’humanité."