Peer Gynt, c’est un drôle d’oiseau, un type peu fréquentable mais que tout le monde voudrait fréquenter. Peer, c’est celui qui fait rêver les filles avec ses beaux mots glissés dans les oreilles innocentes, celui qui manie le verbe avec aisance, celui qui a parcouru le monde, parlé avec le Sphinx, enfermé le diable dans une noix. Peer, c’est ce gus-là, charismatique à souhait. Mais, c’est aussi le gamin attentionné avec sa petite maman, le romantique éperdu de sa Solveig solaire. Peer, on le déteste et on l’aime à moitié et c’est ça qui fait son charme.
Pour incarner les personnages qui gravitent et qui éclairent le héros dans sa quête, des amateur·ices liégeois de tous les âges, des enfants, des plus grands, tout ce joli monde a été tiré au sort après un appel à participation sur les réseaux. Les personnages se dessinent, s’attribuent, se répètent, s’investissent, se jouent. Une mère, un diable, un marié, une fondeuse de boutons interprétée par Catherine Salée, un roi des Trolls et sa grappe de trolls, aux visages magnifiques et déformés par l’artiste plasticien Stephan Goldrajch, et tous les autres. Une vingtaine, presque toujours sur le plateau, qui observent, dansent et guident le Peer éperdu. Des comédiens amateurs autour d’un comédien professionnel, des gens pour qui le théâtre nourrit la vie et un comédien dont la vie nourrit le théâtre, des autres qui se complètent, qui se répondent, qui construisent ensemble et qui retracent une vie entière.
Ce joli monde nordique déambule sur un plateau « en construction » où les normes théâtrales s’éclatent. Des panneaux de bois s’ouvrent et se referment sur des petites têtes de troll malicieuses. Et puis, il y a la composition sonore… Celle de Thomas Turine qui apporte à cet ensemble hétéroclite une unité à la fois éthérée et solide.
Il y a quelque chose d’universel et d’atemporel dans cette pièce de la fin du 19e siècle. Guillemette Laurent, Catherine Salée et Yoann Blanc ont refondu le texte en conservant ses 5 actes initiaux et son essence profonde. On est tou·te·s un peu Peer Gynt, d’autres plus que d’autres, on a tou·te·s rencontré un Peer Gynt, d’autres plus que d’autres mais cet homme-là, plein de questionnements, il parle aux Hommes que nous sommes. « Sois-toi-même », « Contente-toi de toi-même », des devises comme des mantras.