Bas Van Hoeck filme avec soin et lenteur cet hôtel et ses habitants. Ses cadres sont fixes, ses plans sont longs. Il regarde, il accueille, il attend. Des enfants jouent. Une conversation se tient à travers deux portes. On bronze au soleil. Ici, le calme se déploie tranquillement. Peu-à-peu, chacun des habitants se livre. On fait connaissance avec eux à travers un poème, une conversation, un instant suspendu. Puis ils trouvent l’espace pour se raconter. Migrants sans papier, femme victime de violence conjugale ou encore sans domicile, ils ont chacun une histoire, un chemin qui les a conduits là, à partir d’une nuit au bord de les engloutir. La nuit, Ben s’y glisse dans sa voiture pour aller distribuer du pain. C’est lui qui part errer dans la ville, aider quelques autres à la croisée de son chemin.
Parce qu’il ne filme jamais les habitants de l’hôtel à l’extérieur, parce que tous les trajets de Ben s’effectuent dans les plis cachés de la nuit, peu-à-peu, l’hôtel Mozart se transforme en une sorte de coeur du monde qui laisse l’ailleurs et le passé dans l’invisible. Là, le temps est au présent, suspendu. Là, derrière les murs, le repos et la sécurité. Dans la lumière rayonnante de l’été, dans son faste et ses dorures, dans la présence tutélaire de Ben, discret et doux, ce lieu devient une île, un coin de paradis.
Avec pudeur et respect, Bas Van Hoeck recueille l’histoire de chaque personne et dresse lui aussi toute une galerie de portraits qui vient résonner avec les toiles qui décorent l’hôtel. Ici, où se déposent des bouts du monde, des traces de vies, est venu s’échouer toute la violence de notre époque. Car comme le dit Ben, « ce paradis » de l’Occident n’a rien à offrir à ceux qui le rejoignent et s’avère pour eux finalement une illusion, un trompe l'œil, la promesse de l’enfer plutôt que du paradis. Alors l’hôtel Mozart offre un moment de répit. Mais ça n’est qu’un moment.