Rébus kaléidoscopique aux solutions sans cesse reportées, Nuit noire est d’abord un art de la métaphore à l’esthétique glacée, au maniérisme sournois qui rend perceptible l‘invisible d‘une émotion, l‘inhumaine cruauté d‘une douleur trop grande. Olivier Smolders invente une écriture de l’indicible, et s’il est question ici de convoquer les fantômes de ces angoisses nocturnes, il réussit à nous rendre comme palpable, comme partie de notre peau, cet écorchement de l’âme dont Nuit noire n’est que le tableau jamais terminé, l’acte d’amour sans cesse répété qui repousse la nuit comme vient le jour. C’est l’histoire d’un monde livré aux ténèbres où se croisent, en un ballet fragmenté, les curiosités hétéroclites d’un passé colonial, les beautés entomologiques de chrysalides improbables, les gémellités artificielles de doubles malsains en proie aux violences de ce qui n‘a pas encore de nom. C’est enfin un voyage au pays de la peur où les membres épars et sanglants d’une fillette devenue sourde à l’appel du loup reprennent vie sous d’autres formes pour hanter une absence de soleil.
Dessein herméneutique aux couleurs surréelles, aux rendus si précis qu’ils en viennent à troubler l’œil, le cinéma d’Olivier Smolders appelle l’abandon volontaire, un dépouillement progressif du regard pour faire surgir des éclats de ses récits le miroir narratif qui nous réfléchira.