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Michel Vay, de Patricia Gélise et Nicolas Deschuyteneer

Au-delà du réel…

La campagne du Hainaut occidental. Sur la route, une jeune femme toute de rouge vêtue (Leslie Mannès) aperçoit un homme blessé (Marc Barbé) courir dans un champ. Elle s’arrête pour lui porter secours, mais il la met en joue avec son arme et lui ordonne de l’emmener. Michel Vay, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un agent de sécurité à la dérive qui vient de dérober une importante somme d’argent et qui tente de se rendre à l’aéroport en évitant les forces de l’ordre. Mais soudain, l’univers autour du duo « tombe en panne ». Débute pour Michel un périple fantasmagorique, au croisement du réel et de l’imaginaire, dans des contrées sauvages où les voitures sont couvertes d’escargots, « où il n’y a plus besoin d’argent » et où il va faire quelques rencontres insolites, tel le poète de la Divine Comédie qui subit son chemin de croix ou Alice qui s’enfonce dans le terrier du lapin blanc… Michel est-il prisonnier de ce nouveau monde ou est-il libre d’aller comme bon lui semble ?

100% indépendant, filmé sans moyens, sans subsides, sans stars, mais en Super 16 mm (peu de prises, beaucoup de préparation !) et avec passion, Michel Vay, d’une durée de 59 minutes, est le quatrième essai de Patricia Gélise et Nicolas Deschuyteneer, adeptes du système D, après Le Détournement du fleuve (1992, court-métrage), Gerda 85 (2007, 68 minutes) et Fat Cat (2017, 72 minutes).

 

Tourné sur une période de 5 ans (avec une longue pause pour cause de crise sanitaire) à Lessines et dans ses environs, ce nouvel essai a beau être fauché, il n’en est pas moins ambitieux : dans ses thèmes (les doutes existentiels d’un homme perdu, qui a fait tous les mauvais choix imaginables) autant que dans la forme (la photo signée Pierre Choqueux, inspirée par les primitifs flamands, l’imagerie fin de siècle des peintres symbolistes et quelques surréalistes, est de toute beauté) et dans la tournure fantastico-surréaliste que prend le récit. Ainsi, certains personnages croisés par notre antihéros se mettent-ils à chanter sans prévenir, un ménestrel invisible récite de la poésie, un cowboy à cheval se croit dans un vieux western tandis qu’un serpent et des drones de la police semblent suivre Michel en permanence, à son grand désarroi. Le duo de cinéastes s’est inspiré de la période de confinement pour décrire un monde poético-absurde où les repères quotidiens n’existent plus, où le rationnel n’a plus droit de cité. L’aspect onirique et l’ambiance campagnarde ancrent ce petit film envoûtant dans la grande tradition belge du réalisme magique.

 

Michel Vay a beau avoir été réalisé avec des bouts de ficelle, les réalisateurs ont malgré tout pressé, pour les journalistes présents à la projection de presse, un 33 tours - un « vinyle », comme disent les jeunes - avec la bande originale du film, signée Wilf Plum, inspirée par les mélodies médiévales autant que par la chanson française, le dub et la musique électronique. Un excellent supplément à la vision de ce film singulier qui sera visible au cinéma Nova à partir du 4 avril et qui fera également partie de la programmation prochaine de Kinoféroce.