Dès les premières secondes du film, le spectateur est intégré au récit, directement présent au sein des conversations, comme s’il était un participant à part entière. On ressent l’influence de la fiction, sur lesquelles Stéphane Vuillet a travaillé depuis le début de sa carrière. La caméra a su se faire oublier, on assiste aux réunions, on suit Caroline et Jean-Marie, dans leurs bureaux et sur le terrain. L’utilisation de plans rapprochés participe à la proximité qu’on entretient avec les personnages. C’en est presque intime. On ne nous épargne pas les impressions de tout un chacun, les avis, les argumentations, les discours, les commérages. Les peurs aussi. Celle de ne pas pouvoir être payé à la fin du mois, faute de moyens. Les problèmes qui s’ajoutent un par un, dont l’assainissement des sols. Car après des années d’utilisation de pesticides, le virage à 360° vers l’écologie est périlleux.
Les questions financières aussi. Un projet naissant ne rapporte pas. Les bénéfices ne sont pas encore là, alors comment les optimiser tout en gardant un certain équilibre avec le côté humain et écologique ? Et puis, les conflits relationnels. Les uns qui ne comprennent pas les autres, certains membres de l’équipe qui restent très attachés à l’ancien fonctionnement au détriment du nouveau. Même Caroline et Jean-Marie sont en désaccord, leurs visions divergent. Une tension est palpable entre la logique écologique et celle du profit. Caroline et Jean-Marie avaient pourtant pris le temps avant de s’associer, semblaient d’accord sur la finalité du projet, et voulaient y prendre un réel plaisir. Un point de rupture et de discorde est ressenti par l’équipe. Comment mener cette dernière là où on veut aller si l’on n’est même pas d’accord sur la destination ? Et, pour finir, les problèmes avec la clientèle. Une véritable odyssée pour arriver à bon port, pour que les clients des pépinières du Long Fond reviennent, et qu’enfin la ferme écologique tourne.
Un grand soin est également apporté aux silences. Des respirations dans le récit. Elles nous permettent de souffler, déjà, de ressentir la tension grandissante ensuite. Une tension qui s’insinue petit à petit. Une tension qui ne peut mener qu’à deux issues : un apaisement et la réussite du projet ou une explosion menant à un revirement de situation. Une issue à laquelle on assiste au bout des 56 minutes du documentaire.