Ce sont ces artisans, ses petits producteurs qui intéressent le plus le réalisateur car il s’agit concrètement, ici, de privatiser un espace marin pour le transformer en parc éolien en prenant bien soin de faire fi des conséquences écologiques directes, des dégâts que cela causerait à l’économie hôtelière régionale mais surtout à l’environnement aquatique et donc aux habitants du coin, majoritairement pêcheurs. Ces véritables héros et aventuriers modernes, seuls détenteurs d’un savoir des grands espaces salins, sont aussi les derniers remparts contre la vague létale d’un système d’alimentation totalement industriel qui court sur nos terres et représentent 100.000 emplois.
C’est la fin d’un monde ou l’annonce d’une fin prochaine que conte Pascal Yernaux dans ce docu-fiction, heurtant la noirceur de son propos aux larmes et à l’espoir. Si cette forme souvent risquée coûte un peu au film dans sa façon d’approcher son sujet visuellement, elle offre aussi un sentiment d’injustice tangible tant on sent l’infini désespoir et la galère des véritables pêcheurs. Et le regard de la journaliste incarnée par Chryssa Florou, incapable d’agir autrement que par la médiatisation, n’y changera rien. Car si la loi impose une consultation publique et que l’opposition y est majoritaire, Yernaux nous informe que les travaux sont déjà en cours et – sommet d’irrespect envers ceux que les autorités pillent déjà – sont couverts par un taxation à seize pour cent sur les factures d’énergie des habitants.
D’un point de vue strictement cinématographique, le film peine parfois à tenir la barre. Mais malgré une production ne permettant pas une technique irréprochable et la multiplication des plans lors du tournage et donc, l’accès à une matière abondante au montage, Pascal Yernaux bricole, invente. Il fait appel à une voix off lorsqu’il sent le propos devenir confus.
Le réalisateur, navigateur à ses heures, semble aimer d’un amour profond cette richesse marine française et en fait le cœur de son plaidoyer. Il accuse un état consumériste chapeauté par un président-banquier à genoux devant les sirènes d’or et d’argent des entreprises étrangères prêt à sacrifier l’intérêt public pour tout ce qui s’achète ou le dépasse. Bien des choses, donc…