Le film s’ouvre sur l’anniversaire de sa grand-mère, comme dans n’importe quel film de famille. La réalisatrice, caméra au poing, se fait arpenteuse du réel. Elle décèle chez sa grand-mère des signes déconcertants : Alzheimer s’immisce entre eux au fur et à mesure que le film se fait. Un autre film se dessine, celui d’un couple, d’une histoire d’amour que l’oubli guette, entre ses grands-parents.
La caméra se resserre sur sa grand-mère qui pose toujours les mêmes questions. Caméra qui observe, s’efface en silence. Les images se répètent, les personnes aussi, les mots, les gestes, des regards, des moments intimes, un repas, et puis, toujours les reprises de musique dans une virée en voiture. Une conversation intime s’engage et résonne à travers des chansons et activent les histoires et les souvenirs perdus, les moments de chants entre eux, de Bourvil à Mexico.
Lou Colpé s’attache à célébrer ces moments faibles de la vie, elle nous intègre au milieu de sa famille comme un membre à part entière et filme les visages, les lieux, l’absence, qui sont conservés pour la mémoire et le re-souvenir, toujours pris dans le flux du temps, toujours pour le futur, le passé, pour les archives et le présent. Le film est envisagé comme un documentaire fragmentaire du temps de la famille où la narration apparaît après la mort de ceux filmés et force le regard et l’écoute aux errements de la mémoire.
Au fil du film, l’urgence se fait ressentir, celle de tout capter avant que tout n’appartienne au passé. Les images parlent et montrent toujours un présent, mais situant les images elles-mêmes dans le passé. C’est là qu’intervient la réminiscence, forme de mémoire nostalgique. Comme si le passé était un éternel présent pour la réalisatrice, Le temps long a une force d’énonciation autoportraitiste, dont la réflexion renvoie à l’impossibilité d’échapper à sa mémoire et ses souvenirs.