Quatre chapitres suivent la trajectoire d'une caméra enregistrant l'image cinématographique : du gros plan au plan général (c'est le choix opéré par Stanley Kubrick dans Barry Lyndon).
On démarre avec les premiers plans de films aussi différents que La Prisonnière du désert (John Ford), India Song (Duras) en passant par Fury (Fritz Lang) et Haute pègre (Lubitsch). Et on termine avec le parcours de cinéastes à partir du plan général sur des films qui ont le désir de montrer une perception particulière du monde et du cinéma qui se joue dans l'espace et le temps. Ce n'est donc pas par hasard si nous y trouvons Bergman et Antonioni, Jean-Marie Straub et Danielle Huillet et les chinois de Taïwan : Edward Yang et Hou Hsiao-hsien. Le parcours croisé de ces deux cinéastes devenus mythiques dans la zone asiatique est connu en Europe/USA (pour ce qui est de Hou Hsiao-hsien, Lion d'Or à Venise) et méconnu (en ce qui concerne Edward Yang). Sauf pour l'un de ses films, Yi Yi (le seul qui soit disponible en DVD). Yang est ignoré ; sauf chez les cinéphiles qu'enflamme le cinéma asiatique depuis une vingtaine d'années. Signalons que Une belle journée d'été, Confusion chez Confucius (montré au Festival de Cannes) ou Le Terroriste (2) sont de grands films pour Jia Zhang-Ke. Quant à Moure, il compare le génie d'Une belle journée d'été à celui de La fureur de vivre de Nicolas Ray et aux films de Michael Cimino.
Rembobinons le livre avec un court texte sur un film belge, genre « tout ça, mais pas ça » ou plutôt « ça et rien d'autre ». Précisons : Elève libre de Joachim Lafosse et la belle analyse sur les « Dangers de l'éducation » de José Moure. D'un premier plan de Jonas, filmé en mouvement sur un cours de tennis, au dernier plan du film avec Jonas immobile (plan fixe) qui pousse un soupir de soulagement lorsqu'il apprend que son épreuve scolaire est réussie. Entre les deux, nous sommes dans le commerce peu équitable d'adultes post-modernes, éducateurs manipulateurs qui tiennent d'arrogants discours philosophiques, lesquels, hélas, n'ont pas grand-chose à voir avec celui de Stanley Cavell à l'université de Harvard. (3)
Tant qu'à rester dans l'éducation de la nouvelle génération, ajoutons que le livre de Moure est passionnant. Il suffit d'y ajouter les séquences en rétro projections à partir de DVD.
(1)Anne Feuillère vous a présenté le précédent livre de José Moure et Daniel Banda : Le cinéma, art d'une civilisation 1920-1960 in Cinergie 165, novembre 2011.
(2)Analysé par Fréderic Jameson in Fictions géopolitiques aux éditions Capricci. Et Le Cinéma d'Edward Yang par Jean-Michel Frodon, éditions de l'éclat, comprenant de nombreuses illustrations à partir des dessins servant de repérages aux films de Yang. Un jeu sur l'écriture et le dessin familier à la Chine et au Japon (voir les rouleaux de dessins chez les uns, et les mangas chez les autres).
(3)Lire l’ouvrage récemment paru, La protestation des larmes, le mélodrame de la femme inconnue, aux éditions Capricci.
Le Plaisir du cinéma, analyses et critiques des films, de José Moure, éditions Archimbaud/ Klincksieck.