C’est avec une certaine finesse que Grégory Lecocq s’intéresse de près à la relation nerveuse d’un père et de sa jeune fille, tous deux extrêmement bien décrits et représentés. Entre eux, s’installe très vite un dialogue généreux et permanent qui résiste au chaos de la vie du père, enlisé dans de sordides affaires d’argent. Évidemment, son but premier est de tenir sa fille à l’écart et dans l’ignorance de cette vie qu’il mène; mais la petite Charlie n’est pas dupe. Ce faisant, Erwan transpose sa réalité menacée dans le monde de Charlie et lui enseigne à se montrer forte et ferme, et à toujours se défendre.
Tandis qu’autour de lui fusent les regards obliques et que son ex-femme désapprouve son éducation, Erwan n’est pas étranger à l’admiration dangereuse que lui voue Charlie. Celle-ci ne semble se fier qu'à lui en qui elle se reconnaît. Tandis qu’il souffre de ne pouvoir lui offrir une vie meilleure, il s’attache progressivement à la protéger de lui-même. Mais son naturel vulgaire et emporté le détourne de ce qu’il veut être. C’est finalement de lui-même dont il est prisonnier. Sa fille pourra-t-elle l’en défaire, dès lors qu’elle-même se montre violente à l’école et identifie son univers à celui de son père?
Intelligemment écrit et réalisé, La Solitude de l’ours décrypte ces influences intergénérationnelles complexes, chargées de violence et de tendresse. Enfin, Grégory Lecocq donne à découvrir deux acteurs d’une solidité dramatique poignante!