Fruit d’une co-production (France-Allemagne-Belgique), La Religieuse traite conjointement de l’injustice, de l’enfermement, de la religion, du péché, du sacrifice, de l’amour et du désamour, de la folie, de la privation, et du difficile accès à la liberté. Le film de Guillaume Nicloux restitue avec brio la vie monacale, la langue du XVIIIe, la manipulation, le difficile chemin menant à la foi et à la liberté. Il offre aussi une percée impitoyable dans l’univers du sacré. Ici, les sœurs peuvent être mauvaises, la punition ne vient pas que de Dieu et le Mal s’offre de multiples visages.
Film d’atmosphère tiré de l’œuvre de Diderot, présenté en compétition à la Berlinale, La Religieuse est porté par une mise en scène intense, une émotion présente de bout en bout et un puissant jeu d’actrices. Au premier rang, Pauline Etienne campe, avec force, l’émouvant personnage de Suzanne, tour à tour perdu, résigné et révolté. Face à elle, les premiers et seconds rôles sont tous aussi forts. : Isabelle Huppert en sœur aimante, trop aimante, qui pratique avec talent l’art de la culpabilité, Françoise Lebrun, une supérieure bienveillante, touchante et douce à souhait, Louise Bourgoin, qui revêt l’habit et l’inhumanité avec un naturel déconcertant) tandis qu’Alice de Lenquesaing et Agathe Bonitzer jouent avec talent deux sœurs, l’une proche, l’autre éloignée de Suzanne.
Du côté du bonus DVD, La Religieuse souffre pourtant d’un défaut, celui d’être curieux et trop maigre. Un carnet de bord du réalisateur nous est proposé. Il s’agit théoriquement d’entretiens face caméra du réalisateur et de la comédienne principale. Concrètement, Guillaume Nicloux parle beaucoup, Pauline Etienne, bien trop peu et c’est regrettable, tant la comédienne porte et incarne le film. En termes de contenu, le traitement du scénario et des émotions, le don de soi, l’agitation du plateau sont évoqués, et la fatigue et la tension des rapports se ressentent. L’aspect sur le vif peut intéresser, surtout quand le réalisateur énumère tous les gens avec qui il n’a pas été agréable sur le plateau et annonce, de but en blanc, qu’il n’est pas content (“C’est de la merde”). On aurait nettement souhaité en savoir plus, notamment du côté des autres comédiens, des producteurs, de la costumière, du compositeur, du chef opérateur. À l’opposé, les entretiens nous sont proposés de manière décousue avant de s’arrêter sur un banal fondu : “Fin de la cassette”. Face à un film aussi fort que celui-ci, le bonus d’accompagnement aurait mérité bien plus d’efforts que ce qui nous est proposé dans cette édition.
La Religieuse de Guillaume Nicloux : Distribution O’ brother