De là, le film nous plonge dans les pages du roman, transposant les mots de Gary en images, et parfois les conservant tels quels. Sa narration nous fait d’abord part de son enfance en Pologne, où tout se joue déjà. Convaincue que sa progéniture est destinée aux plus hautes fonctions françaises, sa mère, une femme à l’amour maternel sans limites, l’enjoint à se consacrer corps et âme à une vie d’exploits artistiques, sexuels et guerriers. Ce que l’écrivain fera : son histoire est une succession de tentatives parfois ratées et parfois réussies de se montrer à la hauteur de ses attentes. Le film l’accompagne avec humour et empathie dans chacune des étapes de son existence. Son enfance, mélange de tendresse et de terreur, son adolescence, où il étouffe de plus en plus dans l’environnement maternel, jusqu’à l’âge adulte, où sa poursuite de la gloire littéraire s’entrechoque avec les malchances de la vie et les réalités de la guerre.
Quelle que soit sa direction dans l’existence, l’ombre de sa mère le hante. Une présence invigorante, autoritaire et étouffante, elle dévaste tout sur son passage. Dans le rôle, Charlotte Gainsbourg trouve l’équilibre subtil entre la sincérité écorchée de cette femme, et ses plus extravagants traits de personnalité. Elle est autant une figure grotesque que terrifiante, s’immisçant dans l’esprit et les actes de Gary, l’humiliant par ses démonstrations d’affections, tout en l’amplifiant d’un orgueil à nul autre pareil. Au fur et à mesure que les années passent, il devient l’homme qu’elle avait toujours rêvé qu’il soit, mais les honneurs ne changent rien au fait que face à elle, ou face à son souvenir, il reste le même petit garçon voulant plaire à sa mère.
Pour mettre en scène une telle relation, La Promesse de l’aube vire fréquemment dans un registre comique. Nombreuses sont les occasions dans lesquelles le film nous invite à rire de bon cœur des embarras de son protagoniste. La sexualité du jeune Gary est notamment source de quelques situations cocasses. Cet aspect humoristique se reflète également dans l’interprétation de Pierre Niney. L’acteur ne lui ressemble guère, mais il livre une performance idiosyncrasique pleine d’excentricités qui nous font oublier leurs différences physiques.
Si l’existence tragicomique de Romain Gary est de celles faites pour le romanesque, cette adaptation prouve qu’elle se prête également au cinéma. Éric Barbier, à qui l’on doit Le Serpent et Le Dernier diamant, se fait fort de mettre en images le parcours grandiose et cocasse de l’écrivain avec de grands moyens. La reconstitution qu’il nous propose est minutieuse et colossale, et se situe dans le juste milieu entre l’épique et l’intime. Le film bénéficie également de la présence de quelques visages familiers, comme ceux de Jean-Pierre Darroussin, Didier Bourdon ou encore Finnegan Oldfield. Ils ne sont bien sûr que quelques figures qui passent à travers le long-métrage. La Promesse de l’aube n’a d’yeux que pour Romain Gary et sa mère. Leur relation peu conventionnelle est le nœud et le cœur du récit, et en s’y attachant férocement, Éric Barbier livre une adaptation touchante, épique et drôle du livre dont il s’inspire.