À travers un triptyque narratif qui épouse une décennie de vie, Hamich capte les échos d’une génération : celle qui a quitté son pays natal, souvent avec l’illusion d’un avenir plus libre, pour se heurter à la dureté d’un monde indifférent. Le film éclaire ces trajectoires où les espoirs initiaux se confrontent à la précarité, au rejet, au regard des autres et aux tensions familiales. Sans jamais tomber dans le misérabilisme, La Mer au loin tisse un récit de passage, où les choix de survie deviennent aussi des actes de construction personnelle.
Ce n’est pas tant une histoire d’immigration que celle de l’après – ce moment où l’on tente de se forger une vie, malgré les compromis, les identités fragmentées, et les blessures laissées par le déracinement. Hamich filme cette quête de place avec une grande justesse : ni héroïsation ni victimisation, mais l’observation délicate de ce qu’implique grandir dans un entre-deux, où la terre d’accueil ne devient jamais tout à fait un foyer.
Le film excelle dans sa manière de représenter l’invisible : ces tensions silencieuses, ces non-dits familiaux, ces regards pesants. Nour, comme tant d’autres, n’est pas seulement en quête de papiers ou d’un statut légal : il cherche à faire sens de sa vie, à trouver un équilibre entre ses origines et la nouvelle réalité qu’il s’efforce de construire. Ce sentiment de dissonance est traité avec une pudeur rare, accentué par une mise en scène sobre et sensible.
Le film aborde aussi la tension entre aspiration individuelle et attentes collectives. Nour, pris entre la fidélité à sa famille restée au Maroc et la construction d’un avenir en France, incarne ce tiraillement douloureux. Cette ambivalence traverse le récit : comment appartenir à un lieu sans trahir ses racines ? Comment avancer sans renier ce que l’on a laissé derrière ? Hamich interroge ce que signifie réussir une vie quand le prix à payer est l’incompréhension des siens et le sentiment tenace d’avoir failli à une promesse silencieuse.
La Mer au loin s’achève comme il s’est déroulé : dans la complexité des trajectoires humaines. Nour devient le reflet d’une génération qui invente ses propres repères, dans un monde où rien n’est donné. Saïd Hamich Benlarbi signe un film touchant, à la fois lucide et bienveillant, qui trouve sa force dans sa capacité à faire entendre, sans fracas, ce que vivent celles et ceux que l’on regarde trop souvent de loin.