Le speed dating est un peu à l’amour ce que la Star Academy est au talent : en un temps record, on ne crée que des émotions factices, des relations forcées, mathématiques, bon marché, fabriquées de toutes parts. Le Tournez Manège du 21ème siècle sans les coiffures indescriptibles d’Evelyne Leclerc ! Un endroit où, si vous aimez, par exemple, George Clooney et le veau et que vous rencontrez quelqu’un qui aime George Clooney et le veau, on vous fait comprendre que voilà, mathématiquement, ça va coller ! Il faut donc penser à la robe de mariée et à économiser pour les études des enfants ! On va directement à l’essentiel sans s’attarder sur les petits détails qui font toute l’importance d’une relation. Pourquoi s’emmerder alors que c’est si facile l’amour ?... C’est donc une course au succès au cours de laquelle on prend tout les raccourcis imaginables, avec, pour seul but, le rendement ! Mine de rien, cette manière tellement moderne d’envisager l’amour, nous ramène pourtant 100 ans en arrière, quand les mariages étaient arrangés et considérés comme une institution à laquelle on ne pouvait échapper. Comme métaphore sociétale, on ne fait pas mieux que le speed dating, l’amour comme jeu de rôle. Triste constat…
Et pourtant, ce point de départ casse-gueule qui aurait pu aboutir à un de ces téléfilms du dimanche ou à une comédie bien franchouillarde avec, au hasard, Michèle Laroque ou Alexandra Lamy, est ici assez vite expédié pour se diriger vers un deuxième acte où l’héroïne est confrontée à deux relations mouvementées avec des hommes rencontrés lors de cette séance. Le premier, Jean-Luc, est un businessman charmant, beau et propre sur lui, incarné par Bruno Putzulu. Un vrai « winner » ! Le deuxième, André, est une véritable épave sentimentale, un homme en manque d’affection qui « ne peut être aimé car il ne s’aime pas lui-même » à qui l’excellent Jacques Bonnaffé prête ses traits dans un rôle très difficile car a priori extrêmement antipathique.
Dans ce rôle, Elsa Zylberstein nous livre une de ses meilleures compositions. Belle mais pas trop, un peu froide mais pleine d’assurance, célibataire mais entreprenante, irrésolue, Jean-Marc Moutout la filme souvent seule dans son appartement, dans ses gestes quotidiens. Plutôt que de montrer ses défaillances, Moutout filme plutôt une petite larme, rapide, pudique, un geste, un regard… Jusqu’à ce qu’elle perde vraiment pied et que sa violence, jusque-là rentrée, prenne le dessus et la fasse flancher. Un beau portrait de jeune femme incarné avec intelligence, pudeur et humour. Un personnage complexe avec lequel le spectateur sera constamment entre l’empathie et la distance.
Avec sa fin ambiguë et ouverte à l’interprétation, Montout nous laisse avoir notre propre opinion sur des sujets aussi complexes que la fidélité et sur l’«obligation», dans notre monde actuel, de vivre en couple sous peine d’être montré du doigt. Après tout, c’est bien connu, si vous êtes seul, c’est qu’il doit y avoir quelque chose qui cloche chez vous, non ?
À méditer!