Dans la catégorie navet, La confrérie des larmes se pose là avec pas mal de naïveté et quand même un certain nombre de talents, il faut bien le reconnaître. Naïveté d'abord parce qu'il en faut beaucoup pour croire qu'en alignant des personnages clichés, des répliques chevilles au bord du ridicule et des scènes incontournables à la truelle (flic pourri en chute libre, scène de dîner séducteur, bastons au corps à corps, échappée belle, course en dédale de caves, hyper explosion de carburant dévastateur, méchant à la Docteur No impossible à décapiter, etc., etc., etc.), on réussira à tenir un bon film de genre, haletant. Surtout quand le tout s'aligne sans s’essouffler, à moitié bricolé, caricaturé et raté. Mais il y a aussi là-dedans un certain talent, oui, celui d'avoir réussi à convaincre des comédiens plutôt demandés et talentueux (Jérémie Rénier, Bouli Lanners - et Audrey Fleurot, la belle découverte du film) de rejoindre un polar ficelé à partir d'une intrigue assez médiocre, voire carrément idiote ; des producteurs d'investir leurs billes (et pas qu'un peu, d'ailleurs, on dirait) ; de talentueux collaborateurs à participer à cette aventure... Grâce à des décors de luxe totalement irréels qui le font aller de cartes postales en cartes postales émerveillées, grâce à une caméra glissante aux couleurs parfois hyperstylisées, tout ça sur fond de cadrages souvent larges et vides, jouant sur les symétries, La confrérie des larmes réussit parfois à recréer l'imaginaire trouble entre grotesque et inquiétant d'un David Lynch (sauf qu'il le sabre lui-même à force d'accumuler ses clichés), et rejoue les scènes ultraclassiques du genre à la James Gray (qu'il foire de trop d'insistance). En somme, La confrérie des larmes est si bourré de références, de postures du genre, de tics et de clichés, qu'il véhicule surtout quelque chose d'une sorte de boulimie hystérique, d'engouement compulsif à faire ce cinéma-là, à l'accumuler dans tous les sens et de toutes les manières possibles, dans une sorte d'excitation compulsive où chaque scène bâclée semble une jouissance trépidante qui conduit à la scène suivante.
Sans répit, sans recul, sans autodérision, et sans modestie. Joie d'enfant au bord de l'onanisme donc, et qui ne nous regarde pas vraiment, mais raconte le plaisir de celui qui s'y colle. Tant mieux pour lui, pour ceux qui l'ont fait. Au moins, quelque chose passe dans le film. Et puis, c'est vrai, il fallait la totale, et vite... Il n'y aura peut-être pas de seconde occasion...
Sortie le 9 octobre 2013