L’homme avait dit à sa compagne en la quittant ce matin-là : « Tu sais, il y a toujours une part d’inconnu, sans laquelle rien ne serait si beau. » Et n’était-ce pas cela qui les liait l’un à l’autre comme encordés ?
Le récit de l’ascension avec un camarade est lumineux et précis, dans la sérénité d’une nuit constellée d’étoiles. L’homme est expérimenté, il éprouve intensément cette solitude qu’il a choisie. Ses derniers mots étaient-ils prémonitoires et ont-ils déclenché cette terrible tempête de neige qui les ensevelit ? C’est à cet instant que se rejoignent le rêve de la dormeuse et la chute de son compagnon. Envahi à son tour par le sommeil, il croit alors reconnaître ses camarades disparus, tandis qu’un chant profond s’élève du glacier. Cette chute vertigineuse semble durer plusieurs milliers d’années. L’attente de la jeune femme n’a pas de fin.
Le récit s’interrompt tandis que s’accélèrent les images expérimentales où la catastrophe devient matière : avalanche, grondement des chutes, morcellement de la montagne et pétrification noire du glacier. Et le travail de reconstitution auquel se livre Manon Coubia traduit les métamorphoses profondes d’un temps immémorial, d’un mythe amoureux et tragique dont le héros comme Empédocle disparaît dans le volcan gelé des images.