« Epilambanein », épilepsie en grec, signifie « attaquer par surprise », sans crier gare. Les personnes atteintes de cette maladie neurologique chronique, près d’une sur cent, sont sujettes à des crises répétées et imprévisibles. Les formes d’épilepsies sont nombreuses, il existe des épilepsies partielles qui permettent aux personnes d’expérimenter des changements profonds dans les perceptions et les grandes crises qui provoquent des contractions musculaires et des convulsions. C’est souvent cette forme de la maladie qui est représentée: chute, convulsions, salive au bord des lèvres. L’épilepsie est souvent associée à une forme de violence du corps, à un effet immédiat qui surviendrait à la vue d’images stroboscopiques. Mais d’autres formes de la maladie existent et Juliette Mauduit l’atteste à travers son propre être clignotant.
Un phare dans la nuit qui scintille, par intermittence, au loin, dans la brume. Comme un brouillard avant la crise. La voix de Juliette résonne dans la nuit et relate les instants d’après la crise du 17 février 2015. Elle se rappelle ces instants, les voix de ses amis, des médecins présents. Cette capacité de se souvenir est rare et c’est cette faculté qui lui permet de relater sa propre expérience de l’épilepsie.
La réalisatrice se met en scène à l’hôpital où elle fait un électroencéphalogramme. Les électrodes sur les tempes, elle est prête à nous emmener dans son monde intérieur peuplé de créatures étranges. De la réalité, on plonge avec elle dans l’univers animé de Mathieu Labaye (Orgesticulanismus, 2008, Le Labyrinthe, 2013). La réalisatrice apparaît, lente, flottante dans un univers vaporeux, liquide, elle tournoie, se laisse envelopper, envahir, en apnée, elle rencontre des créatures étranges. Il y a un jeu de conflits intérieurs entre la disparition, l’apparition, le petit et le grand, la lumière, l’obscurité. Le spectateur plonge alors avec elle dans un monde abyssal, tantôt effrayant tantôt protecteur, une sorte de matrice dans laquelle se blottir. Cet univers graphique est souligné et accompagné par la création sonore de Raymond Delepierre et la musique aux résonnances aquatiques de Juliette Mauduit et de Sylvain Prybylski. Il y a quelque chose de symbiotique tant dans la collaboration entre la réalisatrice et l’animateur que dans la dépendance des images et des sons.
L’Être Clignotant offre une vision personnelle de l’épilepsie, une immersion dans l’intimité d’une jeune femme qui matérialise ses images mentales grâce à l’animation. L’Être Clignotant, produit par White Market en coproduction avec Camera-etc, Wallonie Image Production et l’atelier de production du Gsara, en compétition pour Graines de Cinéastes, sera présenté au festival Elles tournent le 24 mars prochain à 21h00 au cinéma L’Aventure.