Image volontairement trébuchante, instable, hésitante. Devant la tension, le drame qui s’apprête à nous noyer, notre cœur se fait comme cette caméra à l’épaule, chevrotante. Issue du documentaire qu’elle a expérimenté à l’INSAS à Bruxelles, Marta Bergman était déjà très largement reconnue pour son travail autour des communautés roms (Clejani - Povesti, histoires, stories) ou sur les inégalités de genre (Un jour, mon prince viendra…) qui sont allés jusqu’à lui ouvrir les portes de prestigieux festivals comme ceux de Visions du Réel ou du Leipzig Film Festival. C’est de cette science du réel que la cinéaste habille son film. Le traitement se fait brut, réaliste, mais aussi profondément humain.
Porté par l’incroyable duo d’acteurs français Salim Kechiouche, Zbeida Belhajamor, le couple de migrants Sara et Adam se fait touchant, tendre et brillant : on ne voit qu’eux. Pourtant, gravitent autour d’eux en costumes de policiers, Lucie Debay, Michael Aboutebille, Yoann Zimmer… Dans ce film poignant, les visages connus du cinéma belge se font silhouettes secondaires. Bourreaux involontaires. Mais bourreaux quand même.
La musique, quasiment inexistante hormis quelques nappes atmosphériques, vient renforcer la brutalité du film, le déchirement que l’on ressent et l’empathie profonde que l’on développe pour ces exilés qui croyaient pourtant avoir déjà vécu le pire en quittant la dictature syrienne et ses exactions. L’Enfant bélier est une véritable leçon sur l’inhumanité dont est capable l’humain. De la banalité du mal dont font preuve les policiers comme les passeurs à la récupération politique des représentants élus, le monde sur lequel Marta Bergman lève le voile n’a rien de réjouissant : comment continuer alors ?