Histoire(s) d’une utopie à vendre, le premier film documentaire d’Yves Cantraine, s’attache à répondre à ces questions en retraçant l’évolution des relations professionnelles durant les quarante années d’existence de la Cité administrative. Pour ce faire, Yves Cantraine mélange, avec beaucoup d’à propos, une trentaine de témoignages en un kaléidoscope efficace où la mémoire des lieux s’énonce dans la diversité des parcours et des histoires individuelles. Du service d’entretien aux bureaux des hauts fonctionnaires en passant par les cuisines, la sécurité, la gérance et les différents services administratifs, chaque témoignage apporte sa pierre à l’édification de ce qui apparaît progressivement comme une étrange collectivité. Dans ces édifices monstrueusement démesurés qu’Yves Cantraine filme sous toutes les coutures, dans ce monde kafkaïen où les repères topographiques sont autant de pièges pour se fourvoyer, une communauté étrange autant qu’hasardeuse a vu le jour, communauté appelée à disparaître quand avec la fin, on pourrait dire la faillite de la Cité administrative, se défont les conditions d’un travail en commun.Et tous d’exprimer leurs regrets pour cette époque solidaire qui renvoie immanquablement à une conception de la Belgique qui semble aujourd’hui particulièrement obsolète. C’est là, sans doute, la limite du film d’Yves Cantraine qui, à la suite de ces fonctionnaires, succombe à la nostalgie et propose une lecture passéiste pour un ordre qui a vécu.
Film d’une facture classique mais évitant la pesanteur du didactisme et la superficialité du traitement télévisuel, Histoire(s) d’une utopie à vendre nous permet de comprendre avec humour et légèreté une partie de l’histoire de l’Etat belge, mais passe à côté de problèmes plus actuels en privilégiant par trop cette affection pour un passé révolu.