Le film commence par le gros plan d'un homme, ou d'une femme, on ne sait pas vraiment. En voix off, ce personnage raconte qu'il n'a pas peur, lui à qui on a coupé un membre. Mais, de quoi s'agit-il ? Véritable matrone, cet être donne le rythme et gère ses troupes dans sa petite maison colorée. L'une des filles s'affaire en cuisine, l'autre doit se réveiller. Le guru, Lakshmi Amma, véritable chef d'orchestre, veille au grain. Les hijras forment des communautés très hiérarchisées et structurées : les chelas, véritables disciples, suivent leur guru qui endosse à la fois les rôles de mère, de sœur, d'amie, de modèle. Véritable pilier de la communauté, le guru gère le quotidien de sa tribu.
Mais de quoi vivent les hijras ? De la prostitution, de la mendicité. Elles vont et viennent dans des wagons bondés et arrachent quelques roupies aux passagers. Leur récolte est plus probante que dans nos métros... Pourquoi ? Car les hijras sont respectées et craintes. Les hijras ont non seulement un pouvoir de fertilité pour les Hindous, mais elles peuvent également attirer le mauvais œil.
Laurie Colson et Axelle Le Dauphin parviennent à s'immiscer au plus près de cette communauté, comme si nous, spectateurs, en faisions également partie. Et, c'est assez perturbant d'être plongé au milieu de ces saris colorés. La relation que ces filles entretiennent avec leur guru est, pour le spectateur, difficilement identifiable. Une bande de gosses, sans réels repères, rejetés par leur famille, qui obéissent au doigt et à l'œil à leur mère-guru.
Un documentaire, produit par Tarantula, qui fait sens aujourd'hui. Autrefois respectées, les hijras sont, de nos jours, méprisées par une partie de la population pour des raisons homophobes. Certaines n'hésitant pas à se présenter comme des femmes pour éviter l'équivoque. Les deux réalisatrices parviennent à rendre compte de l'ambiguïté intrinsèque de Lakshmi Amma, Silky Preema, Priyanka, Trisha, Kuyili, Durga, Mahima, Vasundhara et Yamuna, ces êtres marginaux, à la fois forts et fragiles, qui évoluent au gré des rythmes lancinants de Chloé.