Les contributions incluses dans ce numéro s’intéressent à certains enjeux historiques et esthétiques de la captation vue comme un geste artistique depuis les origines du cinéma jusqu’à nos jours. La relation entre le théâtre et le cinéma, déjà présente dans le cinéma des premiers temps, amorce déjà les pratiques contemporaines. Les différentes contributions font la part belle à la diversité des arts de la scène mais aussi à la multiplicité des médias et des supports audiovisuels. La captation audiovisuelle a ici une existence propre qui va jusqu’à, dans certains cas, affirmer son autonomie par rapport au spectacle scénique d’origine.
L’ouvrage, divisé en trois parties, s’articule autour du préfixe re latin qui est intrinsèquement lié à l’acte de filmer la scène qui est un acte de re-prise « pour réagir, revenir, repenser, reformuler ». Passer de la scène à l’écran relève de la transformation de l’espace et du temps.
Dans la première partie de l’ouvrage, l’accent est mis sur les verbes regarder et recadrer. Louise Van Brabant, doctorante au département média, culture et communication de l’Université de Liège, s’intéresse, par exemple, au film de silhouettes, plus spécifiquement leur représentant emblématique : Les Aventures du Prince Ahmed, réalisé en 1926 par Lotte Reiniger. Dans cet article, il sera question du cadrage de la cinéaste qui allie savamment les conceptions scéniques ancestrales du théâtre d’ombres et les potentialités magiques de l’espace cinématographique moderne.
Recréer et retrouver sont les notions-clés de la deuxième partie de l’ouvrage où la danse et l’opéra sont les arts en présence. Comment passe-t-on du geste chorégraphié à l’écran ? Comment envisager deux temporalités et deux espaces différents. Xavier Baert, cinéaste expérimental, s’appuie sur la captation de Torse en 1977, collaboration entre le chorégraphe Merce Cunningham et le réalisateur Charles Atlas. Térésa Faucon, maître de conférence HDR en études cinématographiques et audiovisuelles à la Sorbonne Nouvelle-Paris 3, interroge, quant à elle, la spatialité dans la filmographie du cinéaste Dominique Delouche qui, dans ses documentaires, fait connaître certaines des figures majeures du ballet du XXe siècle.
Enfin, la troisième partie de ce numéro aborde les pratiques contemporaines à travers les verbes recomposer et rediffuser. Parmi les contributions, Aurélie Mouton-Rezzouk envisage le corpus foisonnant et encore peu étudié des teasers et des trailers, qui promeuvent les spectacles sous une forme filmée. Cette maître de conférences en Études Théâtrales à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 établit déjà une typologie formelle parmi ces productions qui n’en sont encore qu’à l’aube de leur développement.
Filmer la scène apparaît comme un ouvrage essentiel aujourd’hui pour comprendre les liens qui existent entre la scène et l’écran et permet de mieux cerner les enjeux contemporains. La diversité des auteurs et des sujets de recherche permet d’aborder de nombreuses questions relatives à ce passage entre deux médiums que certains opposent catégoriquement. Et pourtant.