C. : Vous aimez beaucoup les blondes et les ronds-points ?
Felix van Groeningen : (Rires) Oui, c'est vrai, j'ai quelques fétiches ! Même dans mes courts métrages, les femmes sont blondes. Et je me suis moi-même blondi les cheveux, à douze ans, avec de l'eau oxygénée, une catastrophe (rires) ! Quant au rond-point, nous avons décidé de tourner à Sint-Niklaas où je l'ai découvert. Là, il a commencé à jouer un rôle dans le film. Passer et repasser par ce lieu, filmer ces buildings aux alentours, est aussi une manière de montrer les dimensions de cette ville, qui est petite. Et puis, lors d'un flash-back, on les voit aussi faire la fête sur ce rond-point : c'est un endroit où ils ont eu beaucoup de bonheur. On passe et on repasse par là, jusqu'à comprendre plus tard qu'ils ont vécu quelque chose ici.
C. : Le film est nostalgique ?
F. v. G. : Oui, mais de manière un peu bizarre. Parce que le mouvement est un peu bizarre. En revenant, Zwaert Kelly réunit la bande, et en se regroupant, ils comprennent qu'ils ont perdu quelque chose, que ce n'est plus comme avant, et leurs chemins se séparent de nouveau.
C. : Le deuil et la mort hantent chacun des personnages.
F. v. G. : C'est dû à mes expériences personnelles. Quand on grandit, on se confronte à la mort. J'ai vécu plusieurs deuils ces derniers temps. Le film raconte aussi cela, que l'amour, l'amitié, la vie, ne durent pas éternellement. Et c'est comme ça, il y a d'autres raisons d'être heureux. On évolue. Dans le scénario original, la fin était plus dure, plus explosive. Mais en faisant le film, j'ai compris que les choses ne se passent pas comme ça réellement. Tout cela bouge, c'est tout.
C. : Vous passez du portrait de couple de Steve + Sky à celui d'une génération.
F. v. G. : Oui, c'est vraiment ce que j'ai essayé de faire, qu'à travers tous ces personnages, se dessine une génération, mais c'est quelque chose qu'on ne peut pas contrôler. Parler des gens de ma génération, des bandes, des groupes, d'un certain milieu est quelque chose que j'ai toujours aimé faire et qui était très présent dans mes courts métrages. Mais dans Steve + Sky, je voulais juste deux personnages pour me concentrer sur des choses très visuelles car je voulais me prouver que j'étais capable de cette maîtrise. Je crois qu'à chaque film, on se pose des objectifs différents. Ici, j'ai mis toute mon énergie dans cette histoire et sur les personnages.
C. : Et stylistiquement, vous passez à quelque chose de plus brut et de plus réaliste.
F. v. G. : La sobriété était, je crois, un bon choix pour cette histoire, qui se passe dans une petite ville, de nos jours, etc. Mais je trouve que j'ai fait un grand pas, car l'équilibre entre forme et contenu me semble juste. On a fait des choix stylistiques assez radicaux, mais ils sont moins mis en avant et se fondent plus à l'histoire. Comme par exemple cette ville, qu'on a voulu plutôt déserte, ce qui apporte une atmosphère au film sans prendre pour autant le dessus. Quand on visionnait les rushs, par exemple, j'étais très content de voir quelque chose d'aussi différent, cette image très claire… Jusqu'à la scène de boîte de nuit où là, j'étais tout à fait dans Steve + Sky (rires). C'était assez bizarre, mais c'est moi aussi !
C. : Comment vous situez-vous par rapport au cinéma flamand ?
F. v. G. : Le cinéma en Flandre est assez commercial en général, écrit selon des recettes bien établies, avec des acteurs très connus. Ce n'est pas ce que j'essaie de faire (rires). Et je ne suis pas le seul à essayer d'être un auteur, à chercher une autre manière de faire du cinéma. D'autres aussi essaient de se démarquer, d'une manière différente de la mienne comme Fien Troch ou Koen Mortier. On a beaucoup parlé d'une nouvelle vague flamande quand Steve + Sky est sorti en salle un an après Anyway the Wind Blows de Tom Barman. C'était vraiment les deux premiers films différents. Deux films seulement ! (rires). On ne parle plus de cela, mais ça continue.
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