Le court-métrage de Nicolas Monfort adopte un mode narratif et un cadre esthétique proches de ceux du conte hivernal, faisant voyager le spectateur dans une forêt silencieuse, puis lui ouvrant les portes d’un chaleureux foyer familial. Le premier élément qui vient rompre cette impression de tranquillité ronronnante est une dispute entre Simon et Eva (qui ont plus ou moins 10 et 7 ans) alors qu’ils s’apprêtent à se retrouver seuls. Rien de bien alarmant, mais l’on devine la récurrence de ce genre de tensions fraternelles, liées à leurs différences d’âge, de sexe, mais aussi de sensibilité émotionnelle, de rapport au monde et de confiance en soi. Quant au père, il favorise un climat austère en s’adressant à Simon comme à un soldat, enfermant Eva dans une posture de dépendance envers ses proches.
Toutefois, la rencontre avec une créature maudite évoluant dans la forêt va sensiblement changer le cours des choses, notamment en termes d’équilibre et de cohésion fraternelle. C’est en faisant l’expérience de la peur que les deux enfants semblent se redéfinir l’un et l’autre. Ce que l’on nomme bravoure n’est-ce finalement pas cette acuité du regard à traverser les apparences ?
Le film de Nicolas Monfort révèle un instinct littéraire et poétique discret, au service d’une dialectique de la peur, de la monstruosité, mais aussi de l’amour. La veine horrifique réussit à fortifier le propos, et les deux jeunes comédien·es offrent une séduisante performance.
Fagnes 1986 a d’ailleurs été récompensé du Prix Cinergie à l’occasion de la 5e édition du 7e Aaaargh Retro Film Festival de Namur, en novembre 2024.