20 ans après son premier long, le film d’action Samouraïs, Giordano Gederlini s’essaie au thriller « à l’américaine », avec une formule classique et bien rodée. Il signe une sorte de chaînon manquant entre Taken et Le Fugitif : un héros solitaire et mutique au passé mystérieux, qui n’a plus rien à perdre, des flics à ses trousses qui ont toujours un train de retard, des antagonistes démesurément violents, une bonne dose de suspense et d’action... À défaut de réinventer la roue, le cinéaste se concentre sur la caractérisation de ses deux principaux protagonistes. Antonio de la Torre, l’acteur fétiche d’Alex De la Iglesia, s’avère particulièrement attachant dans la peau de ce père meurtri, qui pleure du sang lorsqu’il est contrarié et dont on ressent la décence et l’humanité dans chaque regard, y compris lorsqu’il recourt à la violence. Leo Castaneda est une figure tragique très « westernienne », un fantôme venu terminer son existence dans une ville dépotoir (Bruxelles) dénuée de chaleur, forcé bien malgré lui de reprendre les armes une toute dernière fois.
Face à lui, une détective coriace, en deuil, et donc de très mauvais poil, brimée par un père autoritaire et trop protecteur et par des collègues qui ne la prennent pas au sérieux. Si Marine Vacth (toute en cernes, avec ses deux paquets de clopes quotidiens) et l’impérial Olivier Gourmet (plus imposant que jamais) convainquent individuellement, on ne croit jamais vraiment à leur relation père/fille, leurs physiques respectifs ne s’accordant pas et leurs différends étant réglés de manière trop superficielle. Le film n’est pas dénué de maladresses d’écriture (c’est une partie d’échecs dans laquelle la police, larguée, n’a jamais le moindre coup d’avance sur Leo) et d’invraisemblances flagrantes dans le déroulement de l’enquête.
Mais la mise en scène, élégante, marque de nombreux points, notamment lors de scènes d’action percutantes : un long et douloureux combat mano a mano entre Antonio de la Torre et Olivier Gourmet vaut son pesant de cacahuètes, tout comme un gunfight au pied de l’Atomium. Avec ses décharges d’adrénaline, ses acteurs impliqués et son irrésistible anti-héros mélancolique lancé dans une vendetta suicidaire, le film de Gederlini n’est ni plus ni moins qu’une agréable série B, idéale pour le samedi soir. Nul doute que d’ici deux ans, en cas de succès, Entre la Vie et la Mort aura droit à son remake américain avec Liam Neeson en tête d’affiche ! Un gage de qualité ?