Nicolás Rincón Gille est l’un de ces cinéastes qui pratiquent l’art magique de la rencontre et du lien. En lo escondido, son premier film documentaire et premier volet d’une trilogie colombienne, est exemplaire de ce qui précède. Avec une science du cadre et du regard, avec une simplicité dans ce qui relève encore de la mise en scène, il filme une femme, une sorcière qui, dans les forêts de Colombie, au plus profond de cette moiteur végétale, trace les cercles magiques de son existence tourmentée.
Sans cesse présent, mais comme à deux doigts de disparaître, de s’oublier et de se faire oublier derrière la caméra, Nicolás Rincón Gille trouve cette distance juste avec cette femme qui lui parle de magie, de violence, de naissance et de mort, distance où nous trouvons notre place non pas de voyeur mais d’être là, acteur d'une relation unique et essentielle.
En lo escondido est un film habité par cette force, cette puissance qui rompt l’isolement et nous livre un quotidien où être ensemble est au centre d'un univers, d’un monde singulier et qui nous apparaît. S’il touche à ces légendes de l’ombre où les êtres se mélangent, à ces mystères des ténèbres qui sont autant de pactes sacrés, à ces élancements de l’âme qui appellent les rapprochements, il est animé par une magie plus ancienne encore, celle qui, derrière les représentations et les symboles, nous rend manifeste ce qui préside à la naissance des mythes.
Cinéma d’une parole fondatrice, la démarche de Nicolás Rincón Gille est d’une très grande rigueur et par la précision de son travail, par le soin et le souci de sa réalisation, il nous fait percevoir aussi toute l’importance mythique de ce qui se joue dans ce fameux triangle cinématographique : elle qui parle, lui qui filme et nous qui, un instant, voyons au-delà des ténèbres.