"Les garçons trop rapides surprennent les filles qui préfèrent le charme de la durée. Orgasme raté."
Le jeu des trois adultes se construit à partir d’une perversité qu’ils veulent partager avec Jonas afin qu’il fasse partie du cercle libertin. « Je voulais faire un film qui interroge le pouvoir du lien pervers. Après tout, la perversion est un mécanisme de défense comme un autre. C’est juste le pire choix. Mais la question qui se pose aussi, c’est qu’il est bien commode pour nous, simple névrosés, de suivre un gourou, un guide qui décide à notre place. »
Joachim Lafosse observe, sans les juger, ces abus sexuels. La complexité des désirs des personnages, la fluidité de la mise en scène du réalisateur rend Elève libre intrigant et attachant. Nous sommes loin d’un porno soft ado, mais dans un univers feutré à mille lieues du discours des médias sur la pédophilie. Jonas est confronté à la réalité, à son désir et à ses propres fantasmes. La singularité du film est que Jonas s’en sort bien.
Depuis son premier film, la mise en scène de Joachim Lafosse a évolué. Aux corps travaillés par des plans en mouvement rapide ont succédé de longs plans-séquences avec le même souci d’obtenir, dans la capture des corps, l’émotion, l’affectivité des personnages. L’élément intéressant du cinéma de Joachim Lafosse est de se mouvoir sans cesse entre la maîtrise et la perte de contrôle, ce qui donne une grande liberté au film qui n’hésite pas à jouer - via Jonas - à l’indéterminé plutôt qu’à une simple détermination. Ce qui intéresse Joachim Lafosse n’est autre que l’objet du désir, le mystère des conduites sexuelles, le non trafic des corps.
Elève libre est un film qui évite la morale vis-à-vis d’un adolescent en quête de dépasser son adolescence. Loin d’être brisé par une mauvaise passe, Jonas redémarre son parcours de vie. Plus d’un spectateur risque d’être dérangé par ce non-choix n’hésitant pas à affronter les conduites sexuelles. Ce climat non dramatique, d’une grande intensité émotionnelle, toujours dans l’entre-deux, dans l’indécis, rapproche Joachim Lafosse de Maurice Pialat, son cinéaste préféré. Elève libre, un coup de maître, donc.