Tourné dans Tétouan la blanche, en plein printemps arabe, le film suit la destinée, le petit quotidien et les rêves de trois amis, trois petits voyous qui glandent et se démerdent et veulent, chacun à leur manière, une autre vie. Centré surtout autour de la figure de Malik, le beau gosse tombé follement amoureux de la belle Dounia qu'il veut sauver de la prostitution, Death For Sale s’installe largement dans le film noir et va plus loin encore qu'Assurance sur la mort, car la femme sera évidemment fatale, mais libre, tandis qu'il aura tout perdu... La mort est au bout du chemin, et Bensaïdi filme des perspectives bouchées, une ville écrasée de montagnes, des jeunes gens dos à la mer. Il n'y a pas d'échappées possibles, et le monde tourne à l'envers, comme le raconte la très belle dernière séquence.
Sans doute pour ne pas tomber dans la caricature, les raccourcis et ne pas prêter le flanc aux pires critiques idéologiques, Fouazi Bensaïdi s’emploie à tisser tous les fils qui entraînent ses personnages à leurs pertes. Rien ne nous sera épargné, de l’usine à la prostitution, de la corruption aux différentes mafias, des petites combines aux grands gangsters, de l'embrigadement idéologique de la religion à la place déchirante de certaines femmes… Mais toute cette description minutieuse d'un réel terrifiant ne trouve que difficilement l'ampleur de l'émotion pour venir nous percuter. Elle finit par couper les ailes au film qui tente perpétuellement de prendre son envol, mais ne semble pas l'oser. Alors, chemin faisant, Bensaïdi dilue l’étonnante audace qui faisait la beauté des précédents films dans cette description d'une vie terrassante, le portrait d'une génération, d'une ville, d'un pays. On retrouve tout de même dans Death For Sale des morceaux de bravoure comme ce feu totémique allumé par Soufiane et tourné en nuit américaine, quelques moments vraiment burlesques qui font résonner le meilleur du cinéma muet, un sens de la mise en scène venue des planches qui met les corps en avant dans de très belles chorégraphies de chassés-croisés, des jeux de corps et de regards qui rappelaient les climax des meilleurs westerns… Mais rien à faire, le film peine à s'envoler vers cette sorte de rêve diurne, de réalité hallucinée et fantasmatique que tout pourtant appelle, sacrifiant son goût de l'absurde et sa puissance imaginaire sur l’autel du film social, réaliste et noir. C’est dommage, tout y était. Mais qui trop embrasse mal étreint. Si le dicton peut s’appliquer tragiquement aux trois protagonistes, il parle donc aussi du film, qui, embarrassé de ses scrupules, n’arrive pas toujours à sculpter le cinéma dans le vif de son sujet.
Death For Sale à reçut deux prix au Brussels Film Festival, l’Iris d’or (golden iris award) et le Prix Cineuropa.