1927. Après le décès de son père et la tentative de suicide de Paul (Nils Othenin-Girard), son jeune fils, Madeleine, riche héritière devenue propriétaire d'une grande banque, se fait dépouiller de sa fortune par trois hommes qu’elle croyait être de confiance : son oncle Charles (Olivier Gourmet), un idiot patenté, André Delcourt (Jérémy Lopez), professeur particulier de Paul et secrètement pédophile, mais surtout le pathétique et amer Gustave Joubert (Benoît Poelvoorde), conseiller financier de la famille et amoureux éconduit qui, par rancœur, échafaude un plan qui laisse Madeleine et Paul dans le caniveau. Alors que la France est témoin des premières « couleurs de l’incendie » qui va ravager l’Europe, Madeleine, pendant six ans, prépare une vengeance savamment calculée. Son combat la mènera notamment à Berlin, où elle croisera le chemin des pantins du Troisième Reich.
Avant tout, Cornillac (qui incarne Lucien, le chauffeur et confident de Madeleine) soigne son casting : outre un Olivier Gourmet qui semble beaucoup s’amuser à jouer les imbéciles et un Poelvoorde fourbe à souhait, on retrouve ici quelques beaux personnages féminins qui luttent pour leur émancipation dans un monde dominé par la gent masculine : Fanny Ardant est une flamboyante cantatrice qui, dans une séquence emballante, ridiculise Adolf Hitler en personne en entonnant a cappella Le Chœur des esclaves Hébreux. Quant à Alice Isaaz, elle est épatante en séductrice opportuniste qui trahit Madeleine en épousant Gustave (et sa fortune). Mais le film semble surtout conçu pour imposer définitivement Léa Drucker en grande star de cinéma populaire : Madeleine est un grand rôle, très complexe, celui d’une femme abusée et manipulée qui va renaître de ses cendres et trouver un certain bonheur dans la vengeance.
Œuvre la plus ambitieuse à ce jour de Cornillac réalisateur (il ne cite rien moins qu’Alexandre Dumas et Victor Hugo comme inspirations), Couleurs de l’incendie est, de toute évidence, un film inférieur à celui de Dupontel. La mise en scène est soignée, mais, malgré un budget que l’on imagine important, manque d’ampleur et d’audace. La folie du film de 2017 cède la place à une mise en images très sage, à laquelle manque le souffle romanesque indispensable à l’exercice. A ce petit jeu des comparaisons, Cornillac, réalisateur moins aguerri, ne partait pas gagnant. Ne boudons pas notre plaisir cependant, car le récit est suffisamment foisonnant pour passionner : tantôt comédie noire sur la corruption, la cupidité et la bêtise des hommes, tantôt document historique sur les rouages de la montée du fascisme, Couleurs de l’incendie est également un bel hommage à l’héroïsme quotidien des « petites gens » et un thriller plein d’humour et de rebondissements. Avec son classicisme revendiqué, il se déguste comme un bon spectacle un peu suranné du samedi soir.