Avec son quatrième long métrage de fiction, Benoît Lamy n'y va pas de main morte pour réveiller la bande de rêveurs que nous sommes devenus. Abrutis par la pub et la télé, junkies de la réussite matérialiste, avides de possession, oublieux de l'humain, cinq jours passés dans un ascenseur avec votre Moira pour compagne, cela vous fait regarder le monde avec d'autres yeux.Mais Combat de fauves, c'est aussi un autre plaisir : celui de l'affrontement de deux personnalités fortes jouant de toute la gamme des relations humaines et n'hésitant pas, pour s'imposer, à se mettre elles-mêmes en danger. Le film n'a pas volé son titre. Enfermé dans sa cage d'ascenseur, Bohringer fait irrésistiblement songer à un grand fauve en colère, impitoyable et rusé. Il est évidemment parfaitement à l'aise dans cet emploi, mais un peu moins convaincant quand il s'agit d'exprimer des sentiments plus en nuances. En face, Ute Lemper, est une dompteuse merveilleuse de justesse dans tous les registres qu'impose un rôle difficile où les changements de ton sont nombreux. Car les masques tombent et les situations peuvent se retourner en un clin d'œil. Cet être insaisissable sur lequel notre grand fauve se casse les dents et qui n'est sans doute qu'une expression diffuse de sa propre révolte, de son inaptitude au bonheur, cache également une énorme vulnérabilité. Et Benoît Lamy d'élaguer tout ce qui peut parasiter ce duel en prenant tous les risques.
Celui de circonscrire l'action dans le cadre étriqué d'une cabine d'ascenseur des années 20 et du palier sans charme d'un immeuble bourgeois.
Celui de se concentrer quasi exclusivement sur les deux protagonistes au détriment de l'épaisseur que mériteraient ses personnages secondaires. Celui aussi d'un scénario faisant peu de cas de l'invraisemblance de la situation, du moins sur la durée. Mais ce qui transforme Combat de fauves en un huis clos luxueux et étouffant donne aussi son cachet à un film âpre, presque calviniste dans les superbes lumières de Charlie Van Damme, et intense. L'étonnante faculté que possède le réalisateur de traquer la vérité de ses personnages dans les moindres expressions et gestes de ses acteurs n'y est sans doute pas pour peu, de même que la superbe prestation d'Ute Lemper, contrepoids idéal d'un Bohringer un peu trop exubérant.