Victimes exemplaires d'une politique coloniale où il était fort question de pouvoir "domestiquer les sauvages" et derassurer les banquiers et autres investisseurs, l'histoire de ces 267 Congolais ne s'arrête pas là. Cent ans plus tard, d'autres Congolais se souviennent et, déterrant symboliquement les morts de l'exposition de 1897, ramènent leurs dépouilles au Congo où ils trouvent enfin une sépulture à la mesure de leur destin. Cette réparation posthume prend alors toute sa dimension collective car, sous nos yeux, ces Congolais écrivent enfin l'histoire de leur point de vue. Boma - Tervuren, le Voyage se situe exactement dans cet instant où le révisionnisme historique bascule vers une autre histoire. Le récit du séjour des Congolais de 1897 est avant tout le prétexte à tirer ces fils de mémoire qui tissent la toile de fond de notre présent commun. Donnant la parole à quelques Congolais, un écrivain, un historien, un homme qui se souvient, Francis Dujardin nous renvoie à cette image de l'Afrique et des Africains que l'histoire officielle propose et bien souvent impose. Il nous en montre les zones d'ombres, les non-dits, les contre-vérités, et focalise l'enjeu de son film sur la question essentielle de notre rapport à l'autre, que l'on soit Belge ou Congolais, d'ici ou d'ailleurs.
Filmé avec sobriété, recréant ces premiers temps de la colonie à partir de documents d'époque, Boma - Tervuren trouve un langage simple et efficace pour les ramener au présent. Filmant le parc de Tervuren, le musée colonial et ses collections comme autant de témoignages d'une façon de faire l'histoire qui accorde au pillage et à la gloire des colonisateurs ses lettres de noblesse, Francis Dujardin nous laisse clairement entendre qu'il est une Afrique moderne, vivante, en prise directe avec notre monde et qu'il est une attitude dont la permanence dit long entre l'oubli des fantômes de 1897 et cette momificaton de la culture congolaise qu'est l'actuel musée de Tervuren.