Telle nous apparaît Guionne Leroy, au Studio Aniway où nous la rencontrons. Elle y tourne une fantaisie médiévale sur un air de Purcell extrait de King Arthur. Au fond du studio, dans le décor d'une forêt hantée par des sortilèges, la sympathique petite figurine en pâte à modeler représentant Arthur semble promise à mille aventures. Une comparaison vient aussitôt à l'esprit pour résumer le mélange de malice et de rêverie qui semble gouverner l'entreprise : Le Chevalier inexistant d'Italo Calvino. Souriante, décidée à garder ses secrets (l'effet de surprise d'un court métrage est si vite défloré !), la réalisatrice ne confirme ni ne dément. Ce film de trois minutes (qui demanderont trois mois de tournage) s'insérera dans un programme télé de douze courts métrages d'animation obéissant à la même règle du jeu (imaginer une petite histoire sur un air d'opéra de son choix) mais réalisés avec des techniques différentes. Il s'agit donc d'une commande, à l'intérieur de laquelle Guionne Leroy entend bien loger sa singularité d'auteur en faisant de la contrainte un aiguillon stimulant sa créativité. En attendant, la prévente du film lui assure un confort de production inégalé. Tel qu'il est conçu, Arthur aurait d'ailleurs été irréalisable sans les moyens techniques mis à sa disposition au Studio Aniway. Rien à voir tout de même avec l'expérience qu'elle a vécue à San Francisco au sein de l'équipe de James et la pêche géante, le dernier bijou de Henry Sellick produit par Tim Burton, sur le tournage duquel elle a travaillé près d'un an comme animatrice. Là-bas, une stricte division du travail (pas question pour un animateur de toucher au décor!) appuyée sur une préparation maniaque : le professionnalisme à l'américaine dans toute son impressionnante efficacité. Ici, une plus souple répartition des tâches (chacun met la main à la pâte) autorisant une certaine marge d'improvisation. Deux méthodes de travail complémentaires, adaptées chacune à leur projet.
Assis à côté de Guionne Leroy, Jacques Campens est un homme heureux. Il y a trois ans, lorsque son studio fut le premier à se doter d'une unité de prises de vues à " motion control ", Campens avait fait le pari de pouvoir mettre un jour cet équipement hautement sophistiqué à la disposition d'une production telle qu'Arthur.
Monté sur des rails qui courent à travers tout le studio, le robot de prises de vue est un monstre imposant. Piloté par ordinateur, cet appareillage permet le réglage au millimètre près des mouvements les plus complexes et la maîtrise de tous les paramètres de la prise de vue (des axes à la vitesse du déplacement), un retour vidéo permettant de visualiser le plan pendant la prise de vues et donc de rectifier aussitôt le tir si nécessaire. Pour Guionne Leroy, les avantages sont évidents: elle y gagne une grande souplesse, un meilleur contrôle de l'exécution et, pour la première fois, la possibilité de travailler en post-production.