Le dernier film de Claudio Pazienza Archipels nitrate, est une invitation à rendre hommage à la Cinémathèque Royale de Belgique, aujourd'hui Cinematek. Et Claudio Pazienza le fait à sa manière si particulière. Son cinéma joue sans cesse des techniques du collage, de la juxtaposition, du puzzle. Il tisse des trames philosophiques à partir d'éléments divers, hétéroclites, ouvrant des voies hasardeuses qu'il semble suivre avec la curiosité d'un enfant émerveillé. Aventureuse, sa démarche nous entraîne de jeux savants en rencontres inattendues là où précisément manquent les pièces de son puzzle, où des béances d'ombres nous attendent avec leurs résolutions improbables. Et là parfois, Claudio Pazienza fait naître des lumières étranges et fulgurantes qui sont pour nous autant d'éblouissements. Avec Archipels nitrate, il mélange extraits de films et documents d'archives, images de sa vie quotidienne habitée d'étonnantes expérimentations et photos du travail de conservation et de restauration des films par la Cinémathèque. Matériaux composites qu'il organise suivant des pistes récurrentes : alchimie de la pellicule révélée, déplacement optique du monde vu de la fenêtre d'un train, mouvement de clôture où se dévoile une rencontre, mort et vie des images dans ce qu'elles ont d'animal, de brut, de premier. Autant de thèmes, autant de combinaisons aléatoires qui font sens dans cette invention d'une manière de dire, de voir qu'est le cinéma à la première personne qu'élabore et peaufine, film après film, Claudio Pazienza.
Et ce qui nous attache à le suivre dans ses pérégrinations existentielles, ce qui s'éveille en nous de complicité pour ces dérives empiriques tient dans la façon dont il met en partage la singularité de son regard. Cinéma de la subjectivité même, écriture organique d'une quête personnelle, Archipels nitrate, au-delà de la richesse de son foisonnement, de son désordre voulu, de sa parole poético philosophique, réussit ce geste si périlleux de nous relier à cette aventure énorme et passionnante qu'est le cinéma devenu, par la singularité d'un film, lieu de questionnement et de bouleversement de nos vies et de notre présent.