En prélude, des archives filmiques en pellicule nous montrent un passé heureux, celui où les Chagossiens vivaient sur leur archipel. Ces images ancrent d’emblée le récit du film dans une double temporalité. De ces images en 8 mm, nous passons au présent : des images contemplatives en plan fixe se succèdent, des images de l’archipel sur lesquelles les témoignages des conditions d’expulsions surgissent par la voix off. Lorsque la voix s’arrête, nous sommes aujourd’hui à Crawley, en Angleterre, au cœur de la lutte, où réside une communauté soudée de Chagossiens, qui se bat pour faire entendre leur voix dans les lieux de cultes, devant l’assemblée, devant les journalistes, juridiquement, et même avec les sportifs qui participent à la coupe du monde des apatrides, pour faire droit à leur terre. L’esthétique contemplative, paradisiaque de l'île, est brisée par le paysage morose, bétonné, agressif de la modernité dans lequel la caméra épaule du réalisateur s’engouffre. Olivier Magis ne cesse de filmer les luttes de Sabrina et sa communauté. La mise en scène oscille entre passivité, et une caméra qui s’engage à nous montrer l’expulsion urbaine d’une amie de Sabrina.
Le point de vue s’articule autour de la protagoniste Sabrina qui milite ardemment, d’en bas, avec tous les moyens dont elle dispose pour le droit au retour à l’archipel, sous un angle engagé et très personnel puisque son père a vécu l’expulsion, elle rêve de lui rendre sa terre natale. Sabrina se bat contre l’attente mise en place par l’establishment londonien, celui des technocrates reportant de débats en débats les décisions légales, la même attente qui dissipera les nouvelles générations et ancrera les dernières sur le sol britannique qui s’habitueront et oublieront leur culture et la mémoire de leur histoire. Un film d’une femme en lutte contre les puissants qui raconte une histoire oubliée de notre époque coloniale.